L'aventure de The Aristocrats, initiée pour un événement unique en 2010, a finalement suivi son cours avec un rythme régulier de sortie bisannuelle. Encore une fois basée sur la stricte répartition des compositions, avec à chaque fois trois morceaux composés par chacun des trois musiciens, et se calant sur l'agenda chargé des trois instrumentistes, la réunion du groupe a pu se faire sur dix jours en février 2015 pour mettre en boîte un troisième album. Trois ans après un "Culture Clash" qui n'a pas fait l'unanimité mais qui révélait pourtant des qualités mélodiques et de structures qui avaient pu faire défaut au premier essai, le trio revient avec "Tres Caballeros".

Le troisième album des Aristocrates débute par l'énergique 'Stupid 7', qui arrive à combiner un minimum de construction et de mélodie dans un temps relativement court, et un léger et hispanisant 'Jack's Back', éventré en son cœur par une griffure métallique, qui démontre toute la subtilité du toucher des musiciens. Chaque titre aborde une nouvelle typologie, faisant fi des problèmes de cohésion de l'ensemble, et c'est le blues-rock groovant de 'Texas Crazypants', à l'impressionnant unisson basse-guitare, qui laisse place à un progressif et étrange 'ZZ Top' composé par Minnemann.

Hormis la technicité des instrumentistes et leur capacité à jongler entre les styles en mode pilotage automatique, cette mise en bouche n'inspire pas d'enthousiasme démesuré. La suite offre un diptyque divertissant avec le schizophrène 'Pig's Day Off' entre souplesse, quiétude et tension des atmosphères et 'Smuggler's Corridor' au style mariachi dépaysant. La jolie et reposante mélodie de 'Pressure Relief' est une respiration avant la country enlevée de 'The Kentucky Meat Shower', qui trouve une belle ampleur dans sa séquence atmosphérique finement arrangée, et la très longue improvisation 'Through The Flower' à l'intérêt limité.  

"Tres Caballeros" est à rapprocher de "The Aristocrats" dans sa grande diversité d'approches musicales et ses créations foisonnantes, comme dans les fragilités des constructions harmoniques et la sobriété des agréments mélodiques. The Aristocrats est impressionnant dans son potentiel à faire émerger de la musique hyper-technique mais il demeurera toujours moins attrayant d'entendre le résultat sur disque que d'être témoin de la miraculeuse alchimie qui se produit sur scène entre les trois acolytes.