C’est à la surprise générale que Theatre Of Tragedy décide en 2003 de se séparer de celle qui constituait pourtant sa clé de voûte depuis ses débuts, dix ans auparavant, la chanteuse Liv Kristine. Tout semblait pourtant au beau fixe au sein du groupe. Elle-même n’a pas bien compris la décision de des anciens camarades. Mais la Norvégienne est déterminée et elle sait qu’elle peut, sur son seul nom, repartir de zéro ou presque.
Avec l’aide de son mari et père de son enfant, le hurleur d’Atrocity, et producteur à ses heures, Alexander Krull, elle monte très vite un nouveau projet, le sien : le bien nommé Leaves’ Eyes. La belle est également avisée et intelligente. Elle le démontre en renouant avec le gothic metal suave qui fit les grandes heures de son ex-employeur. Point de touches electro donc sur ce "Lovelorn", mais des chansons qui auraient pu sans peine se glisser au milieu de celles remplissant le menu du fameux "Aegis".
Bien lui en a pris, tant la réussite s’avère au rendez-vous. Cet album est l’écrin parfait pour sa voix éthérée de petite fille, soulignée avec efficacité par des arrangements soignés ('The Dream', 'Temptation'). Ces dix titres furieusement romantiques aux allures d’hymnes s'écoutent avec beaucoup de plaisir car ils sont tous pourvus d’une mélodie accrocheuse qui ne s’efface pas de sitôt, de 'Norwegian Lovesong' à 'Return To Life' même si Liv privilégie les tempi lents et les douces ballades, vigoureuses malgré tout ('For Amelie').
On aurait sans doute aimé qu’un peu plus de puissance propulse ces compositions, que son chevelu de mari déverse avec davantage de largesse ses grognements caverneux. Néanmoins, la froideur cristalline qui leur confère une beauté purement nordique, rend ces perles d'écriture toujours séduisantes, quand elles ne s’enveloppent pas d’un voile mélancolique évanescent, comme sur 'Into Your Light'.
Avec ce premier opus de Leaves’ Eyes, son second en solo après "Deus Ex Machina", la jeune femme prouve qu’il y a bien une vie pour elle après Theatre Of Tragedy. L’inverse est-il vrai ? Celui-ci a-t-il vraiment fait le bon choix en se séparant de celle qui était pour lui plus qu’une chanteuse, une signature vocale, mais tout simplement son identité ? L’avenir prouvera que non. Dans tous les cas, c’est bien la belle qui marque alors le premier point.