C'était dans les années 90, en pleine période grunge : un groupe nommé Crown Of Thorns réussissait l'exploit de placer son Hard Mélodique sous les feux de la rampe alors que le style n'était pas vraiment à la fête. Il faut dire que le combo était mené par un certain Jean Beauvoir, ancien membre des Plasmatics, connu pour ses talents de compositeur auprès d'artistes tels que Kiss ou les Ramones, pour lesquels il a également rempli les fonctions de producteur, ainsi que pour une carrière solo l'ayant vu pondre le tube 'Feel The Heat' (1986). Le bonhomme est donc loin d'être un débutant, ajoutant des talents de multi-instrumentiste à un CV qui impose le respect dans le milieu artistique américain et mondial. Au sein de Crown Of Thorns, il est épaulé par un guitariste du nom de Micky Free (ex Shalamar) dont le talent éclabousse la plupart des compositions du groupe. Il n'est donc pas étonnant de voir les deux artistes se retrouver à l'occasion d'un album nommé "American Trash" et paraissant sur le label Frontiers, grand fournisseur en albums de Hard Mélodique d'origines et de qualités diverses et variées.
Visiblement, la complicité entre les deux hommes n'a pas faibli avec le nombre des années. Certes, l'Iroquois d'origine haïtienne monopolise le chant et la quasi-totalité des instruments, mais l'apport du guitariste amérindien n'est pas négligeable pour autant. En plus de ses riffs et soli incendiaires, il participe également à la composition pour un résultat des plus probants. A ce titre, le début d'album est tout simplement imparable. Bons gros riffs puissants dotés de refrains directs ('Angels Cry'), alternance de couplets heavy et de refrains mélodiques et accrocheurs ('Morning After'), rock-hard un brin fusion à la Lenny Kravitz s'appuyant sur un riff en boucle et balançant un refrain hymnique ('American Trash'), ou power-ballade évitant la mièvrerie en montant en puissance avec un refrain irrésistible, rien ne semble manquer à la réalisation d'un opus incontournable. Tout cela sans compter sur un 'Whiplash' se tapissant dans l'ombre de ses couplets avant de surgir pour nous terrasser sur un refrain catchy en diable.
Pourtant, sans démériter, la suite perd clairement en intensité malgré l'énergie entraînante de 'Shotgun To The Heart' ou l'obscurité inquiétante d'un 'Cold Dark December' proposant à nouveau quelques éléments fusion. En multipliant les mid-tempi, le binôme laisse s'installer un sentiment de linéarité relâchant l'étreinte dans laquelle il maintenait l'auditeur depuis le début, le laissant retomber dans de l'agréable mais pas indispensable alors qu'il attendait le coup de grâce avec soumission. Voilà qui est dommage car les deux titres précités y perdent en force, se contentant de ranimer momentanément l'attention alors qu'ils auraient pu (dû ?) perpétuer la qualité imparable du début d'album. Perdus au milieu de pièces sympathiques mais aux bons sentiments déjà entendus à de multiples reprises ('Never Give Up', 'It's Never Too Late'), ou reprenant de manière trop similaire des éléments proposés en début d'opus ('She's A KO', 'There's No Starting Over'), ils ne bénéficient pas d'un élan qui a fini par s'essouffler.
Il serait cependant dommage que les amateurs du genre passent à côté de ce retour qui, au bout du compte, se révèle malgré tout gagnant. En ne maintenant pas le niveau d'excellence de sa première partie, la paire Beauvoir / Free passe à côté d'un album incontournable mais cela ne l'empêche pas de réactiver l'intérêt pour le talent des deux formidables artistes qui la composent.