En cette année 2015 ayant vu la disparition d'Edgar Froese, pilier de la musique électronique de l'Ecole de Berlin, quel plus bel hommage pouvait lui rendre Bertrand Loreau que de publier un album évoquant à merveille cette période du début des années 70, où les précurseurs de la musique électronique régalaient nos oreilles d'ambiances planantes et de boucles répétitives jusqu'à plus soif ?
Avec 'Past Never Dies', titre dédié au père de Tangerine Dream, le Nantais retrouve le souffle épique des productions de l'époque, celle des "Phaedra", "Rubycon" et autres "Ricochet". Basé sur des progressions lentes et des mélodies qui confinent le plus souvent à la mélopée, ce premier (très) long titre nous ramène plus de 40 années en arrière : ambiances planantes faites de nappes multiples de claviers qui se superposent, apparaissent progressivement pour s'évaporer ensuite de la même manière, avant que les boucles électroniques rythmées caractéristiques de l'époque ne viennent donner un souffle plus dynamique, pour là encore se retirer sur la pointe des pieds et recommencer un nouveau cycle.
Inutile de préciser que les sonorités des claviers sont bien évidemment 100 % analogiques, donnant une chaleur toute particulière à l'ensemble. Tel un sculpteur de sons, Bertrand Loreau se plait ainsi à modifier petit à petit l'enveloppe et la texture de ses structures répétitives, celles-ci s'insinuant outrageusement jusqu'au plus profond du cortex. Et les plus de 37 minutes de ce premier morceau passent sans que l'on s'en rende compte, nimbé et hypnotisé que l'on est par ces ambiances à nulles autres pareilles.
Plus ramassés, les deux autres titres de cette galette lorgnent plutôt vers l'esprit de "Stratosfear", mais aussi des œuvres de Klaus Schulze de la même époque : sur un gimmick répétitif, les nappes mélodiques viennent là encore se déposer délicatement, mais sans les phases ultra-planantes présentes sur 'Past Never Dies', donnant une dynamique plus importante à des morceaux tout aussi jubilatoires que le magnum opus qui les précède.
Plus qu'un hommage à ses illustres prédécesseurs, Bertrand Loreau se glisse ici totalement dans la peau des personnages, effectuant un véritable voyage dans le temps et faisant ainsi perdurer l'esprit des pionniers de la musique électronique, avec une qualité de composition et de réalisation qui n'a rien à leur envier. Chaudement recommandé !