The Enid jouit depuis son premier album en 1976 d'un statut indéboulonnable. Le groupe de Robert John Godfrey, en jachère artistique entre 1997 et 2010, avait remporté haut la main son pari d'un come back peu évident à l'ère du néo-disco. Pionnier de l'utilisation des synthétiseurs comme orchestre de poche, le groupe avait enchaîné des albums de haute volée, brisant la règle sacro-sainte du tout instrumental en mettant en avant la voix angélique de Joe Payne.
Ce nouvel album porte bien son nom, car contrairement aux derniers il pourrait servir de pont sonore entre le rock progressif et une tendance plus lyrique. Ici, peu de changements de rythme, peu d'envolées de guitare de Jason Ducker. Robert John Godfrey s'est concentré sur une formule unique qui semble se répéter tout au long de l'album. Mise en avant, la voix suave de Joe Payne peut enchanter sur la première piste 'Earthborn', accompagnée de chœurs chargés d'une émotion mélancolique. Si cette piste était l'unique de l'album, nul doute que ce serait un chef-d'œuvre. Malheureusement, on pourrait rapidement synthétiser l'album par ''Joe Payne participe à une comédie musicale d'inspiration classique soutenu par des chœurs envahissants.'' Des morceau comme 'My Gravity' ou 'Wing' (avec son final est difficilement écoutable) apparaissent longs et étirés, et l'émotion qui aurait pu être suscitée fond au profit d'un ennui croissant. Ces chœurs embarrassent les idées originales, comme l'accompagnement acoustique de 'First Light' où ils finissent par tout recouvrir.
Seuls 'Silence' et 'Bad Men' tirent leur épingle du jeu. Le premier est un titre caché très court qui permet d'avaler plus facilement la pilule et est dépourvu de chœurs. Sur le second, Joe Payne prend quelques risques vocaux en salissant son ton vocal un peu trop sage pour apporter de la nervosité, soutenu par un piano épileptique (qui rappellerait dans le domaine du rock progressif Keith Emerson, dans celui de la musique classique Sergueï Rachmaninov), et dont le refrain pourrait toutefois servir de bande originale au prochain James Bond.
Album de transition, 'The Bridge' déçoit par sa mise en avant des voix au profit de la musique, qui apparaît anecdotique. Certes, en grattant le vernis, on y trouve des influences à la musique classique mais ces citations ne semblent pas être solidement intégrées dans un ensemble cohérent.