Dreadnaught, c'est la success-story d'un trio de potes qui se sont croisés sur les bancs de l'université du New Hampshire, et qui ont écumé les States avec leurs compositions fortement influencées par le jazz et le southern country. "The American Standard", qui a glané plusieurs récompenses outre-Atlantique, est considéré par les fans comme leur album de référence. Cet opus, qui date maintenant d'une quinzaine d'années, peut-il s'adapter aux goûts européens ?

C'est que Dreadnaught n'a pas choisi de faire dans la facilité. Inclassable, de tendance éclectique, le combo montre une volonté permanente de proposer des idées et ne laisse jamais la routine s'installer. La ligne mélodique n'est pas leur préoccupation première, et l'auditeur en recherche de développements harmonieux en sera pour ses frais. Les rythmes impairs, les dissonances et les cassures sont légion et ne fluidifient guère le propos. L'instrumentation est confiée avant tout au trio basse-guitare-batterie, qui fait preuve d'un allant technique remarquable, dans des sonorités très typées fin 70's : basse au son métallique, batterie oldie et guitare assez rétro ... avec un son plutôt vieillot, tout comme les vocaux, très plats et heureusement assez rares.

Tout cela ne fait pas une musique très aimable, les sonorités brutes et les fréquents changements de direction lui conférant un côté anguleux qui contentera les amateurs de jazz mais effarouchera les amateurs de musique lissée. Quelques ajouts de violon ('Wellington') ou de sax (´The Jester's Themé) viennent parfois adoucir le propos, mais nous sommes loin, très loin de l'esprit d'un Kansas ou d'un Supertramp ! Les rares tentatives plus pop sont soit loupées ('Bünnaschidt' et ses "lalala" calamiteux), soit très décalées ('Swing', au shuffle sympa).

Album fusion destiné aux amateurs de technique instrumentale plutôt qu'aux fans de développements mélodieux, "The American Standard" aura du mal à trouver grâce auprès des amateurs de musique moderne, plus "enrobée". L'absence de concession mélodique le condamne à rester un album de niche, du moins dans les contrées européennes moins férues de musiques southern ...