Native Construct est né en 2011 sur le campus de la prestigieuse Berklee College of Music à Boston. Les trois jeunes musiciens qui le composent y étudient jusqu'en 2013, période qui verra l'écriture de l'album qui nous intéresse aujourd'hui, leur premier, "Quiet World". Le compositeur et guitariste Miles Yang, le chanteur Roberts Edens et le bassiste Max Harchik, sont tous trois animés par "le désir de (faire) respirer un nouvel air dans le métal moderne". Voilà qui est prometteur.
Pour y parvenir, ils vont s'inspirer de nombreux genres, jazz, rock, métal, prog, folk, classique, funk et bien d'autres encore qui vont se mêler intelligemment au long des sept titres et 49 minutes de cet opus des plus surprenants. C'est le prog qui va permettre cette fusion, lier les différentes couches de ce mille-feuille musical et faire prendre le tout. Ecrit et autoproduit durant leur scolarité, l'album s'appuie sur un concept élaboré dont l'histoire est une partie intégrante de la musique, évoluant au fil des compositions dont les textes ont été peaufinés au détail près. C'est également ce qui transpire de chaque note, à chaque seconde, sur chaque accord ou harmonique. Les arrangements sont millimétrés, les instruments placés avec une grande précision et ce, malgré l'impression de décousu que la surprise de la première écoute installe chez l'auditeur.
Techniquement, le travail est exceptionnel à tous les postes, y compris pour la programmation des percussions. En effet, sans batteur, le groupe a dû ferrailler avec l'électronique pour un résultat bluffant. Si certaines tonalités de frappe sonnent légèrement artificielles, la majeure partie des sections de batterie est d'un tel niveau (sur 'The Spark Of The Archon' par exemple) qu'il faudra trouver un batteur digne des prétentions du groupe en la matière. Le chant quant à lui est très expressif, voire théâtral parfois, rappelant les grandes heures de Freddy Mercury comme sur 'Come Hell Or High Water'. Robert Edens véhicule de nombreuses émotions et va jusqu'à pousser quelques growls très convaincants ('Mute', 'Chromatic Aberration').
Les compositions sont truffées de ruptures rythmiques, d'apports jazzy, d'instruments acoustiques, d'effets sonores et plusieurs thèmes reviennent au long de l'album, parfois sous des formes différentes, raccrochant sans cesse l'attention de l'auditeur au concept de l'album. La musique a tendance à partir dans tous les sens mais retombe chaque fois sur un phrasé, une mélodie, un arrangement à coller des frissons de plaisir. Ainsi, 'Passage' et son introduction façon boîte à musique décolle vers des sommets théâtraux et mélodiques à la Spock's Beard, jusqu'à ce solo de saxo aérien immédiatement suivi de grunts rocailleux. Le final 'Chromatic Aberration' est une longue fresque progressive quelque peu décousue mais foisonnante d'idées subtiles. Rythmiques saccadées, riffs et chant rageurs, pont à la mélodie aérienne, déchainement de frénésie théâtrale, elle intègre tous les ingrédients qui font de ce "Quiet World" un monde pas calme du tout.
Afin de vous épargner la lecture d'une chronique fleuve qu'un tel album aurait tout de même méritée, nous ne saurions que trop vous conseiller de vous faire une idée par vous-même en écoutant ce "Quiet World" avec attention. Il vous faudra même certainement y revenir afin d'en appréhender toutes les subtilités, tant la musique du trio américain est parfois complexe et torturée. Toutefois, ceux d'entre vous que ces lignes ont intrigués ou les amateurs de métal prog foisonnant, de métal fusion et de rock progressif y trouveront nécessairement leur compte. A n'en pas douter, Native Construct se prépare un bel avenir, à condition d'étoffer son line up avec un batteur digne de ce nom par exemple, et de peaufiner son identité musicale. Un groupe à suivre de très près à l'avenir et à écouter sans modération dès à présent.