On n'en voudra pas trop à Pavillon Rouge de prendre son temps, nous faisant à chaque fois patienter trois ou quatre ans entre deux signes de mort car la récompense surgit toujours au bout du tunnel. Succédant au référentiel "Solmeth Pervitine", publié en 2011, "Legio Axis Ka" est enfin là, prêt à décrasser nos orifices, à faire saigner les muqueuses.
Si vous avez manqué le début, sachez que les Grenoblois se rattachent à la mouvance black indus capable du meilleur comme du pire. Vous aurez vite compris dans quelle catégorie ranger le groupe. Ceux qui ont toujours regretté le sabordage de Crystalium seront heureux de retrouver le chanteur Kra Cillag derrière le micro, quand bien même les deux entités ne nouent que peu de liens entre elles, si ce n'est donc ces lignes vocales guerrières et vindicatives ainsi qu'une espèce de brutalité métronomique et saccadée.
S'il respecte à la lettre les règles de cette déclinaison froide et désincarnée de l'art noir, entre rythmes mécaniques, batterie programmée et ambiances apocalyptiques, Pavillon Rouge a su très vite injecter à ce socle abrupt sa personnalité aussi vicieuse que venimeuse, laquelle s'incarne aussi bien à travers cette curieuse frénésie electro et organique à la fois que ces textes empreints d'une poésie cosmique ('Kosmos Ethikos').
Pandémonium orgiaque tour à tour envoûtant ou martial, mélodique ou féroce, à l'intérieur duquel se niche une reprise hallucinée de Coolio, 'Notre Paradis', au demeurant des plus trippantes, "Legio Axis Ka" se révèle être une œuvre peu aisée à pénétrer, en cela qu'elle matraque une violence plus sournoise que frontale ('L'enfer se souvient, l'enfer sait'). Puissamment hypnotique ('A l'univers'), sombrement désespéré ('Aurore et Nemesis'), pulsatif ('Droge Macht Frei') ou chargé d'une grandiloquence obscure, l'opus a des allures de dédale creusé au milieu du champ de bataille d'un monde au bord du chaos.
De cette ambivalence grouillante infuse un magma pollué, porteur d'une semence malsaine qui finit par contaminer celui qui l'écoute, lui donnant la furieuse envie de tendre l'autre joue. L'album confine à une forme de transe mécanique à laquelle il est impossible d'échapper...