Si le groupe Tiger Moth Tales est un nouveau venu sur la scène progressive, les musiciens qui se cachent derrière ce nom ont déjà derrière eux une longue expérience musicale. Sauf que dans le cas présent, de musiciens, il n'en est question que d'un seul. En effet, Tiger Moth Tales est le one-man band de Peter Jones, auteur-compositeur britannique ayant déjà à son actif un album paru sous son nom ("Look At Me Now" en 2010) et dix années de concert en clubs et manifestations diverses (dont le passage par les télé-crochets "Star For A Night" et "The X Factor") en duo avec son amie Emma Paine sous le nom de 2 To Go.
Si Peter Jones/2 To Go donnent dans la variété internationale, Tiger Moth Tales se veut d'essence plus progressive. A ce titre, le nom de guerre du "groupe", Tiger Moth Tales (littéralement, "Les contes de l'écaille-martre", un papillon à la forme et aux couleurs étonnantes) est entre autres inspiré d'un morceau de Steve Hackett figurant sur l'album "Spectral Mornings", référence respectable s'il en est. Un coup d'œil à la set list permet de constater la présence de pas moins de trois epics dépassant les dix minutes. Enfin, "Cocoon" appartient à la catégorie des concept-albums chère au rock progressif, la trame tournant autour de l'enfance et de sa perte.
Les onze titres peuvent être regroupés en trois paquets : les "très courts", les "très longs" et les médians.
Les "très courts" (moins d'une minute au compteur) se déclinent au fil des saisons : 'Spring', 'Summer', 'Autumn' et 'Winter' sont autant de transitions faites de samples rappelant lesdites saisons : pépiements, bêlements et bourdonnements pour le printemps, fêtes foraine, bruit de vagues et cris de mouettes pour l'été, feux d'artifice et flonflons de fête pour l'automne, clochettes, voix d'enfants et 'Douce Nuit' joué à l'harmonium pour l'hiver. Petites fantaisies auxquelles l'amateur de progressif est habitué.
C'est du côté des "très longs" (supérieurs à dix minutes) que ce dernier espérera trouver son bonheur. Espérance partiellement satisfaite, la qualité des trois représentants de cette catégorie étant inégale. Si 'Tigers In The Butter' s'en sort avec les honneurs par ses nombreux changements de thèmes et ses tonalités orientales, ce n'est pas le cas du poussif et caricatural 'The Isle Of Witches', aussi effrayant qu'un train fantôme de fête foraine, doté d'une introduction parlée bien trop longue (deux bonnes minutes) et abusant de sa talkbox, un système transformant les notes de la guitare en voix robotiques. Enfin, 'Don't Let Go, Feels Alright' juxtapose deux thèmes, le premier mélodramatique et poignant, le second s'enlisant dans une longue répétition avant de se terminer dans un fading out bien peu convaincant.
Finalement, ce sont les "médians" qui s'avèrent les plus intéressants. 'Overture', enlevé et ample, ressemble aux multiples "Overture" dont nous a gratifiés Neal Morse, seul ou en groupe. Après son introduction à la flûte à bec lui donnant un faux-air sud-américain, 'The First Lament' ravira à la fois les amateurs de guitare électrique et ceux dont le cœur fond au moindre slow tristounet. 'A Visit to Chigwick', à la fois folâtre et décontracté, ressemble au mariage de Genesis et de Resistor/Steve Unruh. Très agréable. Enfin, 'The Merry Vicar' sort du lot. Délirant et inspiré, mélangeant joie et peur, un titre déjanté digne de Tim Burton, offrant en prime de très beaux passages de claviers.
Peter Jones est un compositeur dont la tête bouillonne de belles trouvailles mélodiques, un don qu'il complète par des talents de multi-instrumentiste (claviers, guitares, flûte, saxophone et percussions) et de chanteur doté d'une voix bien timbrée sachant véhiculer toute une palette d'émotions. Avec "Cocoon", il nous livre un bon album, malheureusement un peu inégal, mais néanmoins suffisamment riche pour qu'on lui accorde un moment d'attention.