Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ??? Voilà ce que se dit tout métalomane dès les premières secondes d'écoutes de Babymetal. Jetez un œil à l'une des vidéos en bas de page pour, vous aussi, expérimenter cette surprise. Du métal ? Oui, y en a, et du death métal même. De la J-pop (pop japonaise) ? Y en a aussi. De l'électro ? Aussi. Du grand-n'importe-quoi ? Ah ben oui, c'est même l'ingrédient principal.
Babymetal est un groupe japonais composé de 3 jeunes filles de 15 à 17 ans tout droit sorties du collège du coin avec leur tenues d'écolières, jupette rouges et noires, couettes et franges bien droites. Elles chantent en japonais (on oublie vite ce détail), façon chanson traditionnelle japonaise et J-pop aux mélodies légères. Mais elles sont également capables de growls extrêmes assez incroyables compte tenu de leur apparence enfantine et des chorégraphies millimétrées façon poupées manga qu'elles produisent sur scène ou dans leurs vidéos.
Elles sont accompagnées par une poignée de musiciens plus ou moins anonymes parés de masques et affublés de toges blanches (?!?). La musique est un joyeux mélange d'électro et de métal brutal façon Perfume, Mastodon ou Cannibal Corpse qui contraste avec la désinvolture et l'apparente fragilité des 3 gamines. Ce paradoxe est bien sûr l'attrait principal du groupe, et cette opposition permanente entre les mélodies pop doucereuses et enjouées et la musique agressive ('Catch', 'Akatsuki') où la double pédale et les riffs catchy règnent sans partage, le tout servi par une production impeccable et un son énorme.
Parce qu'après la surprise et la rigolade, on se rend compte que l'instru rentre-dedans, les mélodies efficaces et les délires rythmiques donnent un résultat étonnant. On se prend très vite à secouer la tête au rythme des tempos énergiques et à fredonner maladroitement les mélodies sans y prêter attention. Malgré un concept de départ improbable et un peu racoleur auquel personne n'adhérerait sur le papier, la mayonnaise prend et plutôt bien. L'auto-dérision dont fait montre le groupe y est pour beaucoup, en témoigne la mini parodie de rap/R'n'B au milieu de 'Iine!' suivie d'un passage de pur métal groovy, Jouissif.
Cette J-pop survitaminée au death-électro-métal a le don de surprendre, certes, mais aussi de mettre la pêche. D'ailleurs, les titres qui ressortent sont souvent les plus énergiques et certains sont des tubes en puissance. Ainsi 'Megitsume' et son riff enivrant qui donne envie de sauter partout, l'improbable 'Gimme Chocolate' dont le rythme ne faiblit pas une seconde, l'électro dérision de 'Iine!' ou 'Ijime Dame Zettai' retiendront d'abord l'attention. Mais attention, la bonne humeur et la dérision ne font pas de ce "Babymetal" l'album de l'année. Il faudra notamment supporter le chant japonais parfois un peu difficile et être capable d'encaisser un tel bpm pendant plus de 50 minutes. Notons que l'édition Deluxe, très riche, contient de nombreux bonus dont des titres live et des morceaux qui auraient parfaitement tenu leur rang sur l'édition classique, preuve de la fertilité créative de cette bande d'illuminés.
Au moment de noter cet album, difficile de se prononcer tant le jugement dépend de critères subjectifs. On peut adorer ou détester ce "Babymetal" avec autant de virulence selon que l'on y a été réceptif ou non. Toujours est-il que cet album sorti en 2014 au Japon dépoussière pas mal de préjugés et arrive dans les bacs du reste de la planète cet été pour souffler un vent de nouveauté sur la pop et le métal, repoussant les limites de ces deux genres. Frais, original, à l'énergie communicative, Babymetal mérite une écoute pour tous ceux qui sont intrigués par le phénomène et ne serait-ce que pour son intérêt anthropologique pour les autres. Souvenez-vous, en 2015, ce truc qui a révolutionné la musique sur Terre ...