L'air de rien, Stryper a déjà sorti plus d'albums depuis son retour en 2005 que pendant sa période faste entre 1984 et 1990. Alors bien sûr, le quatuor apôtre du christian metal ne rencontre plus le même écho médiatique qu'à l'époque, mais avec "Fallen", il nous offre tout de même son sixième opus studio depuis sa reformation et il est intéressant de constater à quel point les frères Sweet et leurs compères ont pu gagner en maturité. "No More Hell To Pay" (2013), bien qu'un peu trop linéaire, confirmait l'ancrage définitif sur des terres métalliques plutôt que hard-rock, alors que le "Live At The Whisky" de 2014 rassurait quant à la forme scénique d'une formation bénéficiant toujours d'une fan-base conséquente, ceci pouvant également s'expliquer par la spécificité des Californiens dont les concerts se confondent avec des célébrations religieuses.
A nouveau doté d'un superbe visuel réalisé par Stan W. Decker, "Fallen" réussit à apporter quelques évolutions à la musique de Stryper tout en répondant aux habituelles attentes des aficionados. Des textes traitant pour la plupart de religion, des soli et duels de guitares incandescents dégainés par un Oz Fox toujours aussi sous-estimé dans le milieu métallique, et par un Michael Sweet assurant toujours un chant haut perché, véritable marque de fabrique du groupe. L'autre point de repère infaillible vient d'une section rythmique propulsée par la batterie puissante et dynamique de Robert Sweet qui se révèle parfois être un véritable rouleau compresseur capable de changer de tempo en cours de morceau. Les premiers titres de cet album sont d'ailleurs d'authentiques démonstrations, 'Yahweh' n'hésitant pas à s'aventurer sur des territoires progressifs, se faisant épique pour conter la crucifixion du Christ sur un heavy puissant et dynamique, variant les tempi pour un résultat à la hauteur de ses ambitions. Le titre éponyme narrant la chute de Lucifer voit également le rythme s'accélérer sur son refrain alors que le chant se fait particulièrement agressif.
Après une telle ouverture, le reste peine à maintenir ce niveau d'excellence, mais il réussit tout de même à garder l'attention captive en se faisant à la fois varié et cohérent. Parmi les principales accroches, nous noterons les riffs rutilants et les belles harmonies de guitares de 'Pride' ou 'The Calling', les refrains fédérateurs de 'Big Screen Lies' ou d'un 'Let There Be Light' qui se fait martial, tout comme un 'Heaven' aux couplets scandés. 'All Over Again' est la ballade de service et évite de tomber dans le piège du lénifiant avant que Stryper ne nous surprenne avec la reprise du 'After Forever' de Black Sabbath. Ecrit par Geezer Butler pour l'album "Master Of Reality" (1971) avec un texte pro-chrétien se révélant un pied de nez pour tous ceux ayant étiqueté le groupe comme sataniste, la présence de ce titre n'est finalement pas si étonnante que ça. Surtout lorsque l'on se rappelle que les Californiens s'étaient déjà essayé à l'exercice des covers sur... "The Covering" (2011).
Au final, "Fallen" se révèle comme l'un des tout meilleurs albums de Stryper, toutes périodes confondues. Puissant, varié, ambitieux, il vient prouver que le combo des frères Sweet est avant tout un groupe de metal qui mérite sa place parmi les formations les plus intéressantes du genre. Pour certains, il sera peut-être nécessaire de faire abstraction des paroles ciblées afin de pouvoir apprécier toutes les qualités de cet opus. Mais sous réserve de supporter le chant haut perché ponctué de (trop ?) nombreux hurlements de Michael Sweet, il y a ici de quoi satisfaire tous les amateurs d'un heavy à la fois robuste et mélodique. Une belle célébration métallique à même de convertir de nouveaux amateurs jusqu'ici réticents.