Longtemps nous pensions avoir touché le haut du panier en termes de nom de groupe original avec Où Est Le Swimming Pool, voici qu'arrive, Regarde Les Hommes Tomber (RLHT) qui se pose en sérieux challenger.
Ce groupe nantais, dont le patronyme ne peut être qu’inspiré du premier film de Jacques Audiard, est pourtant assez éloigné de l'univers du long métrage. Rien de surprenant, tant il est difficile d’imaginer qu’un film grand public puisse être aussi ténébreux et pesant que la musique pratiquée par RLHT. Le groupe nous emmène en effet dans un voyage qui ne laisse pas beaucoup d’espace à la gaîté et à la lumière.
Son black metal fait la part belle aux ambiances théâtrales et aux passages emphatiques. En totale opposition avec la férocité brute de General Lee, chroniqué récemment, RLHT répand une violence sourde, sombre et insidieuse.
On y retrouve des aspects développés par Emperor, comme cela est flagrant avec 'To Take Us'. "Exile" ayant toutefois, un parti-pris légèrement moins grandiloquent et plus angoissant que ce qu’affectionnaient les Norvégiens. Le lourd et oppressant 'The Incandescent March' illustre bien cette orientation. La lenteur de certains des passages ajoute au côté hypnotique et mystique qui transcende ce morceau. Le déploiement de ces ambiances lourdes prend même parfois l’ascendant sur la brutalité inhérente au black metal. C’est le cas dans le dépouillé et sépulcral 'They Came', qui se déploie tout en ambiance. La musique abandonne alors le registre de la violence, pour se faire atmosphérique, envoûtante. Pour autant, le sentiment qui s’en dégage reste inquiétant et s’apparente à une menace rampante, larvée.
Et c’est là que RLHT se révèle un maître du style. Le groupe démontre un savoir-faire indéniable pour ce qui est de créer et de faire vivre une musique angoissante et malsaine. Tout en tournant le dos aux recettes "in your face", il parvient paradoxalement à proposer un album à l’intensité sans faille. Le tout accompagné d’un charme vraiment prenant, du fait de l’injection d’une finesse et d’une richesse de très bon aloi. A tel point qu’il est probable que, avec ce "Exile", nous n’avons jamais été aussi proche de l’esprit et de la qualité du "Anthems to the Welkin At Dusk" d’Emperor. Ce qui n’est pas un mince exploit.
En faisant la fine bouche, chose que l’on ne peut se permettre que lorsque que notre plaisir est apaisé, on pourrait éventuellement regretter que RLHT n’agrémente pas certain de ses titres de passages beaucoup plus agressifs, de manière à rehausser encore plus la saveur de l’ensemble.
Aux carrefours du black metal, du metal atmosphérique et de l’oraison funèbre, ce digne enfant d’Eros Necropsique et d’Emperor nous sert là un album réjouissant (le mot est savoureux lorsque l’on sait que l’on évoque du black metal) et à la densité remarquable. Une sorte de metal psalmodique et complexe. Un paradoxe de plus pour ce groupe que l’on ne peut plus taxer de prometteur, tant il vient de nous proposer une œuvre aboutie.