The Enid est le bébé de Robert John Godfrey. Né à Leeds Castle en 1947, ce pianiste de formation classique abandonne prématurément les bancs du Royal College Of Music pour aller s'encanailler avec un groupe peu fréquentable pour des oreilles respectables : Barclay James Harvest. Il arrange et conduit l'orchestre pour le groupe entre 1968 et 1970 (apparaissant entre autres sur leur album le plus achevé ''Once Again") avant de claquer la porte en raison d'un manque de reconnaissance artistique et financière. Décidé à ne plus travailler pour le compte des autres, il sort un premier album "The Fall of Hyperion", qui passera inaperçu bien que produit par Charisma (le label de Genesis ou Van Der Graaf Generator) avant de rencontrer les musiciens avec lesquels il enregistrera ce présent album. Deux évènements vont avoir un impact sur la destinée de ''In The Region Of The Summer Stars''. Préalablement intitulé ''The Voyage Of The Acolyte'', Tony Stratton-Smith leur refusera la production (tout en récupérant le nom pour son poulain Steve Hackett) ce qui aura pour conséquence de les faire évoluer vers EMI et son label indépendant Buk Records. Le plus tragique de ces évènements est le suicide du chanteur Peter Roberts, qui conduira Robert John Godfrey, pour respecter sa mémoire, à transformer le disque en un tout instrumental.
L'album que nous allons chroniquer est une version révisée sortie en 1984, qui comporte des différences mineures avec la version originale. Ce disque convie à un voyage en des terres progressives marquées par une partition instrumentale classique.
Le prélude 'Fool' permet de se faire une idée sur l'ampleur de ce trajet symphonique : des arpèges de claviers tantôt aériens, tantôt pesants menacent une digue de s'ouvrir, qui finira par céder au son des trompettes de Jéricho. Les amateurs d'apaisement et de climats planants trouveront leur compte avec ce petit bijou classicisant qu'est 'The Loved Ones', le court 'Pre Dawn' ou les claviers lumineux de 'Sunrise'. Mais c'est le morceau quasi éponyme qui tire son épingle du jeu, dans un registre qui tient moins de la musique classique que du progressif (Camel et Pink Floyd en tête) et démontre pour ceux qui en doutent encore du talent de grand organisateur de Robert John Godfrey.
Plus énergique, 'The Tower Of Babel' est construit autour de la polyphonie des guitares flamboyantes, d'une basse grondante et dont le riff introducteur se prolonge dans un crescendo assourdissant. Avec son riff de guitare, 'The Demon King' prend la même direction urgentiste, tout comme l'orageux 'The Reaper' qui accumule orgues pesantes, guitares inquiétantes sur un lit de clavier puis sous les coups de boutoir (ou de poignards). 'The Last Day' sert de synthèse en présentant une mélodie martiale entêtante dont aurait pu s'inspirer sans aucun doute le compositeur japonais Nobuo Uematsu.
Après cet album parfait, arrivé à une époque certes tardive pour le rock progressif, The Enid poursuivra ces voyages qui auraient pu servir de bandes annonces pour les cycles de John Ronald Reuel Tolkien. Pour ceux qui auraient une sainte horreur de l'influence du classique dans la musique progressive, l'écoute de cet opus leur réservera de grandioses surprises et les laissera rejoindre le cortège de ceux qui se posent cette question primordiale : ''Mais où donc est passé l'orchestre sur cet album?''