Nous avions presque oublié ces derniers années que Annihilator fut pendant très longtemps le théâtre d'incessants changements de line-up autour de son inoxydable figure de proue, Jeff Waters, qu'on ne présente bien sûr plus. Durant douze ans (un record !), Jeff Padden s'est accroché au micro, participant à quelques-uns des meilleurs albums du groupe, de"All For You" au bien nommé "Metal" ceci expliquant sans doute sa longévité à un poste qui jusqu'alors ressemblait à un siège éjectable.
La décision de Waters de se priver de nouveau de chanteur nous ramène forcément vingt ans en arrière lorsqu'il était (presque) seul à la barre. Ainsi, comme à l'époque de "King Of The Kill" puis de "Refresh The Demon", le maître s'est chargé de tout sur cette quinzième rondelle, du chant à la guitare, sans oublier la basse, hormis la batterie, toujours assurée par Mike Harshaw dont il s'agit de la seconde collaboration avec le Canadien.
Sans surprise et alors que Jeff aurait pu profiter de cette (petite) révolution pour renouer avec les velléités expérimentales de "Remains", injustement sous-estimées, "Suicide Society" reste au contraire du Annihilator pur jus, collection de cartouches biberonnées au Viagra par boîte de douze.
Certaines mauvaises langues ne manqueront pas de souligner que le guitariste n'est toujours pas devenu un grand chanteur (ce n'est pas très grave) et qu'il ne se gène pas pour réchauffer toujours les mêmes riffs, les mêmes accroches (ce qui l'est plus), comme l'illustrent en effet des titres tels que 'The One You Verse', 'Creepin' Again'. De fait, il nous faut bien admettre que cet opus donne l'impression d'avoir été réalisé à la va-vite, la créativité en pilotage automatique, loin des réussites de jadis ou même plus récentes. L'absence de Dave Padden y est-t-elle pour quelque chose ? C'est peu probable.
Il en faut pourtant plus pour gâter une écoute orgasmique certes vierge de véritables morceaux de bravoure, à l'exception peut-être de l'amorce éponyme et de 'Every Minute' qui ferme la marche en beauté, mais ô combien efficace et remuante. Waters connaît son métier et nous balance des uppercuts rageurs comme il en a le secret ('My Revenge'), confirmant encore une fois qu'il n'est pas près de sucrer les fraises.
Vous l'aurez donc compris, "Suicide Society" n'est pas un grand cru mais s'écoute toutefois avec un plaisir communicatif, signe de vie d'un musicien dont il faut saluer la sincérité et l'incroyable vitalité. Et puis de toute façon, un Annihilator en petite forme (tout est relatif) demeure bien supérieur à bien des skeuds ...