Enfanté sur les cendres brulantes et crasseuses de Thanatic Eyes, Kera propose un death alambiqué, technique et poisseux, à mi-chemin entre une obédience oldschool à la Obituary et une expression plus contemporaine aux influences metalcore. Leur premier EP étale cette multitude d'influences qui ravira les amateurs de puissance et de technique.
Tout vient et tout mène à la guitare dans des compostions à l'épaisseur moite. La six-cordes délivre des riffs classieux qui rappellent Death, ou Morbid Angel et joue avec les variations multiples. En solitaire l'instrument est bluffant (on sent l'esprit immortel de Chuck Schuldiner planer sur ces envolées véloces) : un peu de sweeping ici et là, beaucoup de tapping par ailleurs, et pas mal de passages rapides. Toutefois un bon death ne serait rien sans un hurleur qui fait froid dans le dos. Ainsi ses intonations passent par des tréfonds glauques ou des sommets plus agressifs hérités du thrash. Quant à la batterie elle est tenue par une belle demoiselle, mais ne vous fiez pas à sa gracile silhouette, elle tabasse tout sur son passage et sait faire éclater ses peaux.
La galette débute par un "Master Enslaved" époustouflant, violent et jouissif. Le groupe passe avec aisance d'une mesure à l'autre, pose de-ci de-là une accélération bien sentie. En solo, la guitare est époustouflante de technicité et de grâce. Elle exécute ses phrases avec une aisance qui dégoûtera tout guitariste amateur. Puis vient le temps de l'apaisement avec quelques arpèges acoustiques, mais ceci n'est que leurre car les musiciens lancent une nouvelle cavalcade effrénée. "Architect of Chaos" est beaucoup plus carré, beaucoup plus rentre-dedans, et beaucoup plus death que progressif. On sent néanmoins une classe qui exhale et un savoir-faire en béton armé. Enfin "Silence" déboule à cent à l'heure, assène des coups et laisse des bleus. L'intervention de la guitare solitaire pourrait faire pâlir d'envie un certain John Petrucci. Ce titre bien que long n'en est pas moins le plus violent du triptyque. Violence qui étouffe jusqu'à un nouveau temps suspendu, qui permet de placer des tueries ultra-rapides, techniques et ébouriffantes.
Kera démontre avec cet EP que son futur est assuré. Il dévoile aussi des capacités techniques formidables, dans une musique à la croisée des chemins de Dream Theater, Death ou Dark Tranquility, et rappelle beaucoup les mythiques Fairlight ou Kalisia. Nous attendons donc avec impatience que l'histoire se poursuive, pour à nouveau contenter l'amateur de noirceur technique et de classe musicale bien de chez nous.