Pas évident de donner une suite à un album rentré directement dans la légende du rock, emmené par le succès planétaire d'un titre éponyme ayant largement dépassé les frontières de son style de prédilection. C'est pourtant le défi auquel Survivor doit s'atteler après l'ouragan qu'a pu représenter "Eye Of Tiger". En dépit de cette nouvelle pression, le quintet de Chicago ne lève pas le pied et maintient son rythme annuel de parutions discographiques et propose "Caught In The Game" dès 1983 avec un line-up inchangé. Tout juste pouvons-nous remarquer quelques invités de renom aux claviers, parmi lesquels se trouvent le chanteur et bassiste de Mr. Mister, Richard Page, ainsi que le chanteur et guitariste de REO Speedwagon, Kevin Cronin. Apparemment sûr de sa force, le groupe ne semble pas se remettre en question outre mesure et continue son bonhomme de chemin avec une formule qui vient de faire ses preuves.
Il n'est donc pas étonnant de retrouver des titres qui auraient pu figurer sur les précédents albums tels que l'entraînant 'Ready For The Real Thing' avec son riff bien gras, ou la ballade 'I Never Stopped Loving You', exercice toujours aussi réussi bien que semblant sorti du même moule que ses devanciers dans le genre. Dans un style différent, 'Half-Life' va même jusqu'à reprendre l'introduction du 'American Heartbeat' présent sur le précédent album, et ceci quasiment à la note près. Voilà qui est pourtant dommage car la suite s'écarte de ce titre, possédant même un superbe solo de Frankie Sullivan qui a d'ailleurs tendance à se lâcher un peu plus dans cet exercice sur l'ensemble de l'album. Malheureusement, cet auto-plagiat introductif reste un handicap que la suite a du mal à surmonter. Enfin, bien que présentant un AOR alliant mélodie, énergie et fraîcheur avec des refrains accrocheurs, 'It Doesn't Have To Be This Way' et 'What Do You Really Think ?' restent également des titres relativement classiques pour Survivor.
Encadrant ces pièces traditionnelles, les débuts et fins de la tracklist apportent cependant leur lot de (légères) nouveautés, voire même de prises de risques. Point d'excès avec un titre éponyme au riff et au refrain hyper-accrocheurs mais aux couplets avec un léger décalage entre le chant et les guitares, ou avec un 'Jackie Don't Go' dont la subtilité se glisse dans des claviers à la fois discrets et obsédants ainsi que dans la finesse de la rythmique. Par contre, 'Slander' se révèle plus sombre que ce que les Américains ont pour habitude de proposer avec un riff catchy, un refrain cinglant, des chœurs virils et un joli pont instrumental. Enfin, 'Santa Ana Winds' s'étire sur plus de 6 minutes 30 avec une montée en intensité toute en maîtrise et un nouveau superbe solo de Frankie Sullivan.
Au final, "Caught In The Game" se révèle un nouvel excellent album de Survivor. Malheureusement pour lui, il ne s'éloigne pas assez de son encombrant prédécesseur pour réussir à sortir de son ombre. Ne possédant pas non plus de single imparable, il voit donc le combo ricain rentrer un peu dans le rang dont l'avait extrait "Eye Of The Tiger". Ce résultat est décevant car le niveau global est encore très bon et, quoique insuffisantes, les quelques évolutions constatées valent néanmoins le détour.