Jusqu'à maintenant, le nom de Lac Placide ne me suggérait que le vague souvenir d'un film, certes divertissant mais de qualité très moyenne, espèce de "Dents de la mer" version crocodile géant qui ne me laissait pas un souvenir extraordinaire. Autant dire qu'en introduisant cet album dans ma platine, j'avais l'espoir que mes oreilles en gardent un meilleur souvenir que mes yeux n'en avaient gardé de son homonyme cinématographique.
Alors, Lac Placide, groupe monstrueusement mièvre, monstrueusement génial ou ni l'un ni l'autre ?
La première chose à signaler avec Away est qu'au contraire de nombreux albums, il m'a été impossible de savoir dès la première écoute si j'allais me montrer extrêmement vexant vis-à-vis de ces musiciens ou au contraire vous conseiller de les suivre attentivement dès à présent. Pour tout vous dire, ma première écoute s'est même interrompue à la moitié de l'album car j'avais besoin de reposer mes oreilles en leur donnant quelque chose de plus "classique" à écouter. Pourquoi cela ?
Tout simplement parce que s'il est une chose que l'on ne peut pas reprocher à Lac Placide, c'est son manque d'originalité. Que vous aimiez ou que vous n'aimiez pas, ce premier album vous étonnera par bien des aspects, à savoir en premier lieu le chant.
Lac Placide, c'est pour commencer deux chanteurs, ou plutôt une chanteuse et un chanteur, qui se partagent ce poste si difficile. Jusque là, ce n'est pas réellement nouveau. Ce qui l'est, en revanche, c'est la superposition des deux. En effet, les deux parties de chant se superposent très fréquemment, le féminin en anglais et le masculin en français la plupart du temps, sans qu'aucun ne soit en retrait par rapport à l'autre. Surprenant au premier abord, ce mode d'écriture et de prise de son s'avère extrêmement efficace dans le cadre des compositions de l'album.
Car parlons des compositions, justement : s'il est habituel de comparer le style d'un groupe à celui d'autres plus connus afin de donner une idée de ce que l'on va trouver, là encore l'exercice est pour le moins difficile. Personnellement, la solution de facilité consisterait à dire : "si vous aimez mes références, vous aimerez Lac Placide" mais ce n'est pas cela qui en guidera certains. Alors citons en vrac ceux qui me sont venus à l'esprit durant mes nombreuses écoutes : Mostly Autumn, Pendragon, Marillion, IQ, Genesis, Gentle Giant, Yes mais également des groupes plus métal comme Dream Theater ou Transatlantic, bien que la comparaison pour ces derniers soit due surtout à certains riffs et sonorités de guitare.
Ceci dit, comparer à des groupes prestigieux est certes intéressant mais gomme clairement la vision de la créativité d'un groupe. Alors parlons de la créativité : Lac Placide, c'est essentiellement de l'ambiance et de la musicalité. Ambiance d'abord car tout l'album est parsemé d'intermèdes vous transportant dans des atmosphères qui vous permettront un court instant de vous imaginer, par exemple, accompagné d'un troubadour aux abords d'une fontaine ou qui vous plongeront dans un certain malaise, comme la longue plage de bruitages et de voix au milieu du morceau qui clôt l'album.
Musicalité ensuite car outre les mélodies fort bien trouvées, les structures en elles-mêmes ne vous laisseront pas vous endormir une seconde : multiplication des breaks et des solos, polyrythmie d'un batteur qui n'en fait pas des tonnes mais sait toujours où il en est, etc… tout y est pour plaire aux dingues d'expérimentations sonores et harmoniques, mais également à ceux qui aiment les mélodies accrocheuses tout en souhaitant découvrir d'autres horizons. Et pour cela, quoi de mieux qu'un Growing Circles ou un Fairies And Tales ?
Et la technique, dans tout ça, me diront certains. Je répondrais que la technique n'est pas le propos. D'accord, ces musiciens savent jouer mais il ne feront pas la couverture d'un magazine spécialisé en raison de leurs aptitudes à épater tout le monde. Ces musiciens sont très bons mais ils n'ont rien d'extraordinaire : ils sont à l'aise et savent jouer ce qu'ils composent. Pas de Mike Portnoy à l'horizon, ni de Yngwie Malmsteen ou de réincarnation de Jaco Pastorius. Si vous avez besoin d'un nouveau maître devant lequel vous pâmer, passez votre chemin, vous vous êtes trompé de boutique.
Un bémol cependant : alors que ce groupe existe depuis 1997, il est regrettable qu'ils n'aient pu assurer une production de meilleure qualité et il est clair que cela constituera peut-être un obstacle à leur renommée.
S'il s'agit de la conséquence d'un manque de moyens, il est temps que des producteurs professionnels se rendent compte du potentiel de Lac Placide. S'il s'agit d'un fait exprès, j'avoue que mon intérêt pour les expérimentations sonores ne va pas jusqu'à l'attrait pour des sonorités un peu trop vieillottes et je trouve que l'ensemble de l'album s'en trouve affecté.
Quoiqu'il en soit, Lac Placide est un groupe que je vais suivre avec l'assiduité d'un écolier modèle tant ce premier album me pousse à penser que, à l'image d'autres jeunes groupes français, notre pays a lui aussi son rôle à tenir dans l'histoire du rock progressif.