Quand bien même aucun mauvais disque ne plombe vraiment sa discographie, force est de reconnaître toutefois que, depuis une dizaine d'années, High On Fire alterne réussites majeures et semi-déceptions qui certes abattent toujours le petit bois. Au rang des premières, citons "Blessed Black Wings" et "Snakes For The Divine", dans celui des secondes, "Death Is This Communion" et "De Vermis Mysteriis". Un coup sur deux donc.
En toute logique, "Luminiferous" devrait tout détruire sur son passage. Dont acte. Osons même le dire, cela faisait longtemps que les Américains ne s'étaient pas montrés aussi hargneux, prouvant, si besoin en était encore qu'ils restent les maîtres incontestés du stoner doom velu, celui qui sent sous les bras, celui qui fait peur, loin du psychédélisme mou du zizi et de la fumette. Encore que Matt Pike, leur leader, n'a jamais caché son attirance pour les paradis artificiels, illustrés par les galettes de Sleep, "Jerusalem" et "Dopesmoker".
Bref, tout ça pour dire que cette septième enclume ne fait pas dans la dentelle, capable de faire trembler les murs. C'est d'ailleurs un véritable mur qu'érige le trio, mur de riffs granitiques contre lequel vient s'écraser une rythmique testiculeuse, à l'image des rouleaux de batterie telluriques du fidèle Des Kensel. L'album a quelque chose d'une curée à base de guitares épaisses et de chant rugueux biberonné au Destop.
Alors soit, High On Fire ne quitte jamais les rails sur lesquels il est lancé à vive allure, hormis peut-être le temps de 'The Cave', espèce de power-ballad épique qui serait le fruit de la copulation entre Manilla Road et Motörhead. Qu'importe car c'est justement ce qu'on demande au groupe qui déçoit souvent lors de ses tentations évolutives ("De Vermis Mysteriis").
Laissant plus qu'affleurer des racines thrash qui n'ont jamais quitté ses géniteurs, "Luminiferous" galope à travers un champ de bataille ravagé, baignant dans la boue et le sang. Les cinq minutes et trente-deux secondes de 'The Black Plot' suffisent aux Ricains pour mettre les points sur les "i" et ce faisant, balayer tel un fétu de paille le souvenir mitigé laissé par le disque précédent. La messe est dite avec ce mammouth qui écrase tout sur son passage.
Carburant au Viagra par boîte de douze, les gars affichent une énergie dure comme le roc, serrant le frein à main comme sur les implacables rouleaux-compresseurs que sont l'immense 'Carcosa' et 'The Falconist' ou bien fonçant au contraire pied au plancher le temps de cartouches plus trapues bien qu'aussi généreuses en plomb ('The Sunless Years', 'Slave The Hive'). L'orgasme est atteint lors du terminal et grondant 'The Lethal Chamber', temple monstrueux et cyclopéen qui vibre sous les coups de boutoir d'une force obscure et souterraine.
Digne héritier de "Snakes For The Divine", "Luminiferous" s'impose donc comme une des meilleures offrandes de High On Fire.