Le voilà enfin ce fameux album qui aurait dû sortir en 1993 puis en 1994 mais qui était finalement resté au stade de bootleg circulant sous le manteau. Car l'histoire de "Cockroach" n'est pas banale ! Enregistré en 1993 après la tournée triomphale de "Screw It!", il fut tout d'abord bloqué par le départ de Ted Poley. Départ ou mise à la porte, les versions divergent selon les parties … Suite à l'embauche de Paul Laine pour remplacer le vocaliste d'origine, le fameux opus fut à nouveau enregistré avec le nouveau chanteur. A chaque fois, Sony, label de Danger Danger à l'époque, était enthousiasmé par le résultat. Malheureusement, Poley n'ayant toujours pas digéré la séparation engagea une procédure judiciaire qui fit bloquer la parution de "Cockroach". Traînant en longueur, cette démarche eu pour résultat la séparation du combo avec son label, le départ du guitariste Andy Timmons, et l'enregistrement d'un nouvel album sous forme de trio: "Dawn" (1995).
La situation s'étant apaisée entre Poley et le reste du groupe, "Cockroach" sort donc enfin en 2001, sous la forme d'un double album contenant les deux versions enregistrées avec Ted Poley en 1993 et Paul Laine en 1994. Dans ces conditions, il est difficile d'échapper au jeu des comparaisons entre les deux interprètes, la tracklist étant la même et ne variant que par l'ordre des titres. Seul le dispensable acoustique 'Time In A Bottle' a été rajouté sur la version enregistrée par Paul Laine et ne mérite pas que l'on s'y attarde outre-mesure.
S'il est toujours difficile de confronter les performances de deux artistes aux personnalités différentes, il apparaît cependant que le chant de Paul Laine semble plus adapté aux titres les plus puissants ('Still Kickin' ', 'Walk It Like Ya Talk It') voire plus sombres ('Goin' Goin' Gone') alors que Ted Poley colle plus aux pièces les plus festives ('Shot O' Love', 'Good Time') ou vicieuses ('When She's Good She's Good', 'Sick Little Twisted Mind'). La majorité de ces morceaux étant apparue sur "Four The Hard Way" (1997) ou "The Return Of The Great Gildersleeves" (2000), il est parfois difficile de se détacher de l'interprétation de Paul Laine, mais chaque frontman ayant une telle personnalité, les différences sautent assez vite aux oreilles. C'est particulièrement le cas pour les ballades et mid-tempi sur lesquels Laine fait preuve d'une technique traduisant parfaitement les émotions, alors que Poley joue plus sur la fragilité, pour deux résultats aussi différents que réussis.
Au bout du compte, nous avons affaire à un superbe album représentant le parfait équilibre entre la production du premier opus éponyme (1989) et l'énergie contagieuse de "Screw It!" (1991), et ceci, quelque soit l'interprète. Pourtant, un sentiment ne peut être complètement effacé et une question demeure: "Quelle aurait été la carrière de Danger Danger si le combo avait pu sortir cet opus à l'époque ?". Alors qu'il s'est fourvoyé sur des territoires grunge ne lui convenant pas vraiment avec "Dawn" (1995), il y a fort à parier que "Cockroach" aurait représenté la confirmation du talent du quatuor, voire sa consécration.