Cette seconde exploration des Finlandais était attendue avec une certaine impatience. "Pourquoi ?", s'interrogeront sans doute ceux - les plus nombreux - qui n'ont jamais entendu parler d'eux. Au moins pour deux raisons en fait.
D'une part parce que l'album éponyme d'Uhrijuhla fut une des belles surprises de l'année 2012, entre prog vaporeux et poésie forestière, offrande irréelle qui donnait déjà envie d'en découvrir bien davantage. D'autre part parce que Kimi Kärki a depuis rejoint cette sympathique troupe, musicien aussi précieux qu'inspiré, dont on suit avec passion les aventures, promenant sa guitare du côté du pur rock progressif (Orne) ou de la musique électronique allemande (E-Musikgruppe Lux Ohre) mais jamais loin du Doom qu'il creuse avec Lord Vicar ou autrefois, le tutélaire Reverend Bizarre.
Ceci dit, l'homme se fait discret sur "Jokainen On Vapaa Lintu", dont la clé de voûte épouse à nouveau la forme gracieuse de la chanteuse Olga. Quand bien même elle partage (parfois et heureusement pas trop) l'espace vocal avec un organe masculin, ses mélopées sont le fil d'Ariane de déambulations rêveuses teintées d'une étrangeté bucolique. Elle imprime son empreinte, à la fois douce et magnétique, poétique et un peu triste.
Ce deuxième opus reprend naturellement les choses là où les a laissées son aîné il y a presque trois ans, fidèle à un cadre déjà familier dont le socle est ce rock tranquille au format souvent court ('Syksy'), quoique les durées plus étirées ne soient pas pour déplaire à un groupe qui baguenaude cette fois-ci plus franchement encore sur des terres progressives. 'Uhrilehto', pulsation squelettique et cotonneuse ornementée de motifs très floydiens témoigne ainsi de cette évolution.
D'autres exemples balisent l'écoute, tels que le long 'Verenpunainen' nappé de claviers gorgés de ce chaleureux feeling seventies dont on note également la présence sur le très beau 'Hiljaisuuden Luostari'. Le reste du menu se compose de pistes un peu plus accrocheuses, même si le tempo ne s'anime jamais vraiment, sauf le temps d'une partie médiane plus musclée ('Juokse Poika Juokse'), plus déconcertante surtout du fait de ce chant masculin, celui de Kauko Röyhkä qui vient appuyer de lourds aplats, à l'image de 'Pohjoinen' et 'Dyyneillä', quand son prédécesseur, Janitor Muurinen, se coulait avec aisance dans ces paysages boisés.
De prime abord, cet album semble difficile à cerner, œuvre à la fois moins froide, plus terreuse que ne l'était le galop d'essai, mais moins homogène aussi. Mais une fois le tour du propriétaire achevé, on mesure combien la musique d'Uhrijuhla n'a rien perdu de son charme aussi mystérieux que singulier.
Au final, non moins réussi et attachant que son devancier, "Jokainen On Vapaa Lintu" en diffère quelque peu, ce qui est tout à l'honneur de ses auteurs qui évoluent par petites touches, laissant espérer une suite plus intrigante encore...