"Organized Insanity" est le premier essai d'un jeune trio canadien constitué des deux frères Sepp et Sol Osley et complété de Ben Riley à la batterie. Le groupe débute sa carrière en 2010 sous forme d'un quatuor, leur claviériste Joel Lightman ayant quitté l'aventure avant l'enregistrement de cet album, son remplaçant (s'il ne s'agit pas d'un des trois membres) n'étant pas crédité sur la pochette. Un départ prématuré que l'intéressé regrettera peut-être tant cet album pétri de qualités est l'œuvre d'un groupe qui devrait être promis à un bel avenir, si la justice est de ce monde.
Avant cet album, Blurred Vision se fait connaître au travers de de la diffusion sur YouTube de la reprise de 'Another Brick In The Wall' rebaptisé pour l'occasion 'Hey Ayatollah, Leave Those Kids Alone', pamphlet contre le régime iranien montrant pêle-mêle ayatollah menaçant, répressions policières et femme jetant son tchador. Un clip engagé auquel les origines iraniennes des frères Osley ne sont pas étrangères et dont on retrouve l'influence sur au moins deux titres de l'album : dans les paroles de 'No More War' dont le "no more war no more war no more war" vindicatif qui ouvre le disque est un credo se passant de commentaires, et dans la musique très orientale de 'The Keeper', lourdement martelée et angoissante, annonciatrice de malheur, au chant amer et agressif.
Pourtant, ces deux titres, excellents par ailleurs, sont peu représentatifs du contenu de cet album, beaucoup plus léger dans l'ensemble. Imaginez les Beatles fusionnant avec ELO et saupoudrant leur musique d'une délicate touche psychédélique héritée de la période "More" de Pink Floyd et vous aurez un aperçu de ce à quoi vous attendre. De 'Rollin' On' à 'Wherever You Are', ce n'est qu'une succession de très jolies compositions pop-rock chantées d'une façon plus que convaincante par Sepp Osley et habillées de riches harmonies vocales.
Comme pour bien marquer leur filiation avec le quatuor de Liverpool, Blurred Vision rend hommage à l'un de ses membres, John Lennon, sur la magnifique ballade 'Dear John', emplie de mélancolie et de regret, très pop-rock des années 70. 'Tonight' dont la façon d'accélérer la mélodie et de l'emphatiser dans un crescendo efficace rappelle Coldplay, 'Long May You Run', berceuse nostalgique au solo de guitare stratosphérique, ou encore 'All I Wanted' dont la mélodie addictive donne le frisson, sont autant de réussites, même si les autres titres ne déméritent pas pour autant.
L'album termine sur le titre éponyme qui, comme 'No More War' et 'The Keeper', se démarque un peu, plus progressif que pop-rock, à situer entre Queen pour l'opposition des chœurs angéliques et du chant théâtral et Pink Floyd période "The Wall" pour le jeu de guitare incisif et le chant sombre. Différent en style mais égal en qualité.
A la frontière du rock FM, de la pop, du psychédélique, du hard soft et du progressif, "Organized Insanity" est un album remarquable qui s'écoute en boucle. Souhaitons à Blurred Vision d'accéder rapidement à la reconnaissance médiatique qu'il mérite.