Le guitariste parvient à équilibrer de manière très efficace le positionnement de ses interventions. Ainsi, les rythmiques, lourdes et puissantes, se partagent harmonieusement l’espace musical avec des soli qui savent se montrer sobres et efficaces. Ces derniers évitent l'écueil du "tout démonstratif", pour privilégier l’émotion et la sensibilité. Il est clair que le trio ne recherche pas les effets clinquants et ostentatoires. Il s’applique plutôt à proposer un blues rock assez classique, basé essentiellement sur les compositions et la conviction de ses musiciens, bien plus que sur les qualités d’interprétation et la mise en avant individuelle. Et on sent clairement qu’il y a de la bouteille et du savoir-faire dans ce groupe, tant celui-ci parvient à se montrer convaincant pour ce qui est d’apporter sa contribution à ce style éternel.

Mais ce "sérieux", cette orthodoxie, a un revers. Et on peut regretter que, de ce fait, ce "Laissez-moi Faire" ne parvienne pas à s’extraire de la masse des disques de blues rock / pub rock qui sont publiés depuis des années. Et la reprise de 'Johnny B. Goode' en est l'illustration, le groupe peine à sortir des sentiers battus. Il aurait peut-être été plus judicieux de sélectionner un titre plus surprenant que ce titre de Chuck Berry, pour lequel Wikipedia répertorie déjà plus de 80 covers…

Ce défaut d’originalité, de prise de risque artistique, de surprises proposées, est renforcé par une production un peu plate qui nuit à l’efficacité de ce disque en ne lui permettant pas d’accéder à un niveau plus marquant. Les titres, tous très corrects, défilent tranquillement, sans parvenir à bousculer, à provoquer l’auditeur, et ce, malgré l’ajout de chœurs qui apportent une réelle touche de fraicheur à l’ensemble. Ce sentiment est au surplus accentué par la faible clarté d’élocution du chanteur et le positionnement en retrait des vocaux. En effet, si la voix de Varela est proche de celle de Marquilly, il existe une différence majeure en termes de qualité de diction. Et il est parfois difficile de bien comprendre les textes, qui peinent à franchir la barbe du bluesman. C'est notamment le cas avec 'Confiance et Esperance' ou bien 'Laïcité, Egalité'. Et cela est bien dommage, car un effort de concentration nous permet de découvrir des textes qui dépassent le cadre habituel du "ma bière, mes amours, ma liberté inaliénable et mes potes" en usage dans ce genre musical. Ici, et même si cela est parfois un peu empreint de naïveté, ce qui a un certain charme, les sujets sont plus variés et originaux qu'à l’accoutumée (la société de consommation, la pédophilie, la place des religions et de l’Art dans nos sociétés…).
Mais malgré ces défauts, il n’en reste pas moins que ce disque propose de très bons moments à l’image du pétillant 'Artiste' qui lorgne vers la soul musique, ou bien du plus intimiste 'En Silence'.