A l'occasion du contrat qu'il vient de signer avec le groupe, et en attendant un nouveau disque annoncé pour octobre, Karisma Records réédite le premier (et unique) album d'Ossicles, duo norvégien formé des deux cousins multi-instrumentistes Bastian et Sondre Veland, déjà sorti en autoproduction en 2012. Si sa première parution était restée confidentielle, "Mantelpiece" avait néanmoins réussi à attirer l'attention de Steven Wilson et de Mike Portnoy, excusez du peu. Cette réédition est donc une aubaine pour découvrir ce qui avait tant séduit ces deux ténors du rock progressif.
Si les influences de Transatlantic et de Flying Colors sont imperceptibles, voire inexistantes (et ne parlons pas de Dream Theater), on comprend mieux l'intérêt que l'album a suscité chez Steven Wilson tant le métal atmosphérique de certains titres rappelle un certain Porcupine Tree. Comment ne pas penser à ce groupe en écoutant 'Moral Grey', 'Watersoul II' ou 'Torn Pages' ? Mêmes résonances métalliques de la guitare et de la basse, mêmes nappes de claviers enveloppant tout de leurs sonorités brumeuses, même chant à la fois nonchalant et désabusé. Ceux qui ont aimé l'original, période "Fear Of A Blank Planet", devraient également apprécier ces titres, ceux qui comme moi se sont ennuyés décrocheront probablement par moments à l'écoute de ces mélodies languissantes dont les sonorités parfois discordantes ou saturées usent la patience, même si l'honnêteté oblige à dire que les thèmes mélodiques sont plutôt agréables. Mais l'ensemble manque de caractère, on s'ennuie … comme sur Porcupine Tree.
Mais "Mantelpiece" n'est pas un simple Porcupine Tree-like, loin s'en faut. Le fantomatique et contemplatif 'Dewers Hollow', qui semble sorti de "The Geese And The Ghost" d'Anthony Phillips, installe une ambiance rétro et mélancolique fort réussie. Avec 'Luna's Light', plus dynamique et tout aussi envoutant, le timbre légèrement nasal du chanteur rappelant Phideaux, et '1400', sombre et original, voilà une trilogie des plus avenantes pour commencer. 'Barren Earth' et 'Slur' forment une paire à l'atmosphère minimaliste : ligne de piano famélique, notes éparses de guitare, quelques roulements très discrets de batterie, violon grinçant, chœurs fantomatiques, sax vaporeux, une ambiance de fin du monde s'installe, désespérante et inéluctable. Deux titres également très réussis.
Et puis, il y a l'epic. 'Silky Elm', près de 29 minutes au compteur, pour clore l'album. Le titre de trop qui, durant les cinq premières minutes, promène l'auditeur entre mélodie et mélopées orientales, l'agaçant du son de sa flûte aigrelette et de son tabla grinçant, passe le temps sur les cinq minutes suivantes avec quatre malheureuses notes de guitare inlassablement répétées, remplacées successivement par un chant atone et un nouveau gimmick de guitare tout aussi inintéressant, avant qu'un jazz-rock sombre et discordant, façon King Crimson, n'occupe l'espace durant huit grosses minutes, pour en terminer, enfin, en reprenant le thème arabisant du début et les quatre notes de guitare. Un morceau bien long et ennuyeux, dépourvu de souffle épique, piochant parmi les poncifs du rock progressif pour les juxtaposer sans rime ni raison.
Au final, "Mantelpiece" est un album hétéroclite, balayant prog, atmosphérique, jazz rock et expérimental, sur lequel se côtoient de bonnes idées et quelques longueurs. Le fait qu'il ait été écrit sur plusieurs années, certains titres datant d'une époque où les cousins étaient très jeunes (16/17 ans), explique peut-être l'irrégularité de ce disque, en espérant que les titres les moins passionnants soient aussi les plus anciens.