Nous avions quitté Pierre Le Pape et son projet Metled Space avec le très ambitieux et cinématographique EP intitulé "Between" en 2013 qui laissait espérer un monument de metal opéra pour la production suivante. Nous y voilà donc : deux ans plus tard sort "The Great Lie".
"Between" pouvait s'enorgueillir de bénéficier de la présence de Liv Kristin (Leave's Eyes) ou Melechesh Ashmedi (Melechesh). Pour ce nouvel opus, l'invité le plus remarquable, mais loin d'être le seul est Arjen Lucassen, l'intarissable créateur de Ayreon et autres projets de metal mélodique parfois teinté de progressif (Ambeon, Guilt Machine, Star One, The Gentle Storm). Ce soutien pourrait permettre au metal opera de Pierre Le Pape de prendre un peu plus de la lumière qu'il mérite. En effet, "From The Past" et "Between" avaient de quoi marquer les esprits forts de leur aspect emphatique, ambitieux et varié. Une certaine lourdeur et oppression étaient mise en scène. "The Great Lie" est plus axé sur les voix, qui sont souvent très belles par ailleurs. On pouvait craindre aussi que Lucassen banalise le propos et incite le créateur de Melted Space à entrer dans un registre beaucoup plus habituel pour un opéra rock. C'est sans compter sur la détermination de Pierre Le Pape qui continue son cheminement artistique. Notons également la présence de Kobi Fahri (Orphaned Land), Mariangela Demurtas (Tristania), David Vincent (ex-Morbid Angel), Mikael Stanne (Dark Tranquiliy), Sylcain Coudret (Soilwork, guitare) ou encore Niklas Kvarforth (Shining) pour citer les plus connus qui révèlent l'adhésion qu'est capable de susciter Le Pape et surtout son travail.
Sur le plan musical, les instruments semblent un peu plus en retrait, la faute peut-être à une production qui n'est pas tout à fait la hauteur du caractère monumental de l'œuvre. La faute surtout à l'absence de respiration musicale, l'omniprésence du chant au détriment de tout ce qui permet de mettre en place de façon progressive les atmosphères dont le Troyen avait le secret. Les voix continuent toutefois à s'entremêler avec une certaine réussite et une efficacité mélodique qu'il n'est pas question de renier. Le chant guttural ou caverneux laissant la place à des chants clairs masculins ou féminins dans une volupté mélodique de premier ordre, à l'image du rythmé 'Trust And Bertayal'. Le chant se veut traînant ('Glass Castle's Beast'), poignant ('A God Is Dead'), enlevé ('Terrible Fight', 'Hopeless Crime'). On peut même souligner un travail remarquable sur les mélodies qui franchissent clairement un palier. 'Called By The Queen', 'Terrible Fight' ou 'Titania' sont très accrocheurs et ont tous les atouts pour convaincre un large public.
Les ambiances, moins prégnantes, parviennent toutefois à faire la différence sur certains titres et restent globalement assez variées, appuyant le caractère cinématographique de l'album. Les arrangements sont toujours très puissants et composés même si l'omniprésence des chants empêche d'en profiter pleinement. Mais ce qui faisait la force de Melted Space dans les précédentes productions demeure. Ainsi, la présence de rythmes et de chant extrêmes se mêlent avec bonheur aux vocalises qui s'épanouissent dans un registre metal mélodique ou gothique. De même que les voix féminines très présentes sont globalement de très haut niveau.
L'impression vacille tout au long de l'album entre une admiration pour la mise en place, l'orchestration, les arrangements, les mélodies et les voix et cette impression mitigée du trop-plein de chant qui altère un peu une oeuvre globalement magistrale et qui démontre un talent énorme de la part de son auteur.