Terramater nous vient de Meløy, une localité du nord-ouest de la Norvège. Si son nom et sa pochette de couverture semblent puiser leur inspiration du côté du monde païen (ou du second album de Gnidrolog), le titre de leur premier album "Protheus" évoque plutôt Protée, la divinité des eaux de la mythologie grecque, douée du don de métamorphose. Ce coup d'essai usera-t-il du même stratagème pour surprendre son auditeur?
A la lecture des paroles, ''Protheus'' se révèle être un concept-album relatant les différentes étapes de la vie sur notre bonne vieille terre, symbolisées par les personnages présents en couverture. Pour donner une charpente à son histoire, le groupe peut compter sur une formation classique de rock progressif au sein de laquelle la flûte de Kjell Stavness n'apparaît pas déplacée et apporte un peu de fraîcheur venue des années 70. Car Terramater revendique, sans en rougir, les influences de Jethro Tull, Rush, Uriah Heep, Pink Floyd, mais sans pour autant constituer une pâle copie de ses auteurs de chevet. Si l'introduction enjouée de 'Destiny' affiche des accointances avec le jeu de Mark Kelly (notamment sur ''Fugazi''), le morceau s'affiche comme un vrai test d'endurance, dans lequel l'énergie ne retombe pas, grâce notamment à son synthétiseur fou, son riff de guitare implacable et à la partition vocale très convaincante de Ken Åge Hansen. Par ailleurs, pas de structures à tiroir, ni de morceaux-fleuves, le rock progressif est bien sage et est remisé au placard au profit d'un son hard rock plus dur et plus direct.
Les grandes réussites de cet album reposeront sur une savante alchimie nécessaire à l'illustration sonore de son concept ambitieux, le groupe nous proposant des climats tempétueux ('Chief', 'Queen', 'War' 'Saviour') parfois plus intimistes ('Hero', le final de la ballade 'Protheus II') ou parfois en montrant que la folie guette toujours au moment où elle semble maîtrisée (le piano et la flûte de 'Breeze' couplés à un riff hard rock ou le boss final 'Guardian'). Toutefois, on pourrait reprocher à ''Protheus'' une légère baisse de régime en milieu d'album (les anecdotiques 'Demons' ou 'I' un peu passe-partout, notamment en raison du chant moins assuré que sur les pistes précédentes).
Pour son premier album, le groupe Terramater place la barre très haut, mais son projet n'est pas ruiné par la mégalomanie qui aurait pu en émaner. Si le groupe met en avant son amour du rock progressif et hard des années 70, ces influences ne sont jamais bancales et servent de tremplin pour nous conter la destinée galactique de notre planète. Si ''Protheus'' n'est pas tout à fait un chef-d'œuvre en raison de pièces un peu plus anecdotiques, nul doute que l'acharnement et le travail du groupe sera remarqué et aboutira à un grand œuvre dont cet album n'est encore qu'une esquisse.