Nous les avions sentis revenir tout doucement, presque sur la pointe des pieds avec un EP en 2012 ("Stairway To Hell") puis quelques apparitions sur les scènes de France et d'ailleurs mais "Uglier Than They Used Ta Be" est-il le simple aboutissement de ce soubresaut ou le point de départ d'une nouvelle carrière ? Un véritable retour artistique ou un coup de poker ? Que cache cet "Uglier Than They Used Ta Be" à l'artwork fort proche du tout premier EP du groupe ? ... Difficile à dire.
Inutile de présenter le combo californien qui a enflammé la planète Rock le temps d'un album, son premier "America's Least Wanted" et ses hits 'Cats In The Craddle' et 'Everything About You', même si les deux albums suivants (1995 et 1996), pourtant pas déméritant, feront bien moins de bruit en dehors du cercle des hard fans.
De l'équipe originale, nous retrouvons 18 ans après leur rupture chaque musicien à sa place en dehors du batteur que Shannon Larkin (Godsmack) est venu remplacer dès 1994.
Retrouver le Kid après une si longue absence, c'est un peu comme retrouver un pote d'enfance vingt ans plus tard. Il y a bien cette ressemblance, dans l'aspect, les gestes, la voix et qui réveille en nous une forte nostalgie à travers un sourire béat mais également tous ces changements que l'on remarque très vite, ceux que la vie a apportés à chacun et qui nous ont transformés. Une certaine perte d'innocence, de folie, de magie ... nous avons mûri pour le meilleur comme pour le pire. Pour autant, l'accroche sera-t-elle toujours là ? Avons-nous encore des choses à partager ?
Oui et non. Si les premiers accords de 'Hell Ain't Hard To Find' renouent assez rapidement avec le passé, le groupe a changé. La voix de Crane, plus mature, au feeling fataliste qui évoque parfois Joey Tempest de Europe garde de sa superbe, surtout sur les ballades, exercice dans lequel le groupe excelle toujours. Les mélodies à fleur de peau que sont dans une moindre mesure le folk 'Mirror Of The Man', 'Nothing Ever Changes' à la lumière glacée et un 'The Enemy' au final plus que surprenant (le groupe marque ici un point) deviennent vite des moments attendus de l'album. Pour autant, il apparaît assez vite que le groupe, ne parvenant pas à miser sur le capital sympathie des retrouvailles, doit repartir de zéro pour remporter notre adhésion.
Et pour ce qui est du rock dur, le bilan reste plus mitigé et il semble que Ugly Kid Joe s'est depuis laissé dépasser dans le domaine. 'Bad Seed', 'Let The Record Play' et 'She's Already Gone', entre tradition et modernité, peinent à trouver leurs places et le carburant nécessaire à l'explosion.
Le solide 'My Old Man' bénéficiant de la participation de Phil Campbell (Motörhead) et au refrain enfin mémorable et la véritable réussite qu'est 'The End Of The Line' montant en pression sur plus de 5 minutes et abordant une tournure presque épique qui rappelle un certain Sabbat Noir, viendront heureusement rehausser grandement le niveau de cet album (attention triste expression) mi-figue mi-raisin.
Les reprises d' 'Ace Of Spades' (Crane imite Lemmy avec brio) et 'Papa Was A Rolling Stone', si elles ne cassent pas trois pattes à un sale gosse, apportent le côté fun et frais qui manque tant à l'album.
Mais où sont donc passées l'insolence et la lumière californienne unique qui se dégageaient du combo dans les années 90 ? Pas vraiment mauvais, "Uglier Than They Used Ta Be" négocie mal son virage, plus souvent entre deux eaux que calé dans ses baskets morveuses. A voir en concert surtout, pour les classiques du groupe.