Qu'il paraît loin le temps où Walran et Rosarius bricolaient dans leur coin et dans un joyeux (façon parler) amateurisme leurs premières petites offrandes ! Que de chemin parcouru depuis les bruissements que furent "Ambrosia", "Les Promesses de l'Aube" et "Elégies aux Ames Perdues"...
Angellore n'est donc plus, depuis longtemps, ce modeste duo qui honorait avec sincérité et les moyens du bord un gothic doom death funèbre, il s'est mué en un groupe professionnel qui n'a plus à rougir de la comparaison avec les ténors du genre. Certains - ils seront rares - regretteront peut-être qu'il ait perdu en route le charme précieux du petit artisanat, cette maladresse qui finalement ne grévait pas du tout un art où l'émotion prime sur la technique.
Le style aussi a changé, évoluant avec les progrès réalisés par les musiciens, moins gothic, plus atmosphérique et sophistiqué. Plus personnel surtout, quand bien même certaines influences restent décelables. De fait, si "Errances", que composaient nombre de vieux morceaux, portait encore les stigmates du passé, "La Litanie des Cendres" permet à ses auteurs de larguer les amarres, de franchir une étape, peaufinant une identité que l'on devine désormais fixée, entre le doom death automnal de Saturnus et un romantisme pétrifié.
Ayant gagné en assurance, Angellore n'hésite pas à étirer ses compositions bien au-delà des dix minutes au compteur, prenant son temps pour tapisser des ambiances d'une triste beauté dont les pinceaux sont autant ces lignes de guitare minées par une sépulcrale mélancolie que ces notes de violon discrètes bien que douloureuses ('Twilight's Embrace'), cependant que les claviers étendent un suaire de roses noires.
A cette écriture superbe trempée dans un profond regret se marie un très beau travail sur le chant, mêlant éructations d'outre-tombe, voix claires et mélopées féminines. Il en résulte une deuxième hostie tout du long envoûtante dont chaque pièce est comme un retable qui s'ouvre en une multitude d'images. Alors que des longueurs étaient à craindre, eu égard à la durée des titres, la trame au contraire progresse, se déroule avec une admirable fluidité, ponctuée de moments de magie pure, à l'image de 'A Shrine Of Clouds', sans doute le chef-d'œuvre du groupe à ce jour, jusqu'au final qu'incarne ce 'Moonflower' certes déjà connu mais redécouvert, véritable voyage qui se parcourt comme un récit tragique.
Ce que nous pressentions - et espérions ! - est finalement arrivé, Angellore est devenu grand, auteur d'un des meilleurs albums de doom atmosphérique entendus depuis des lustres.