Après un album semblant tourner en rond ("Dancing Undercover" - 1986) et un autre bancal aux tentatives d'évolutions pas assez poussées ("Reach For The Sky" - 1988), les Californiens de Ratt semblent avoir grillé leurs derniers jokers. Autant dire que le nouvel opus a tout de la dernière chance avant de tomber définitivement dans l'anonymat des formations n'ayant jamais réussi à confirmer les espoirs qu'elles avaient pu faire naître. Alors que le grunge commence à squatter les ondes et à éliminer toute forme de concurrence, les rongeurs tentent le tout pour le tout en faisant appel à Desmond Child, machine à tubes mélodiques, qui amène avec lui son producteur attitré, Sir Arthur Payson. Etant donné le pedigree du bonhomme, la démarche commerciale ne fait aucun doute, mais Child est à l'origine de tellement de compositions à l'efficacité imparable que l'exercice semble valoir le détour.
Dès l'ouverture 'Intro To Shame', instrumental de moins d'une minute privilégiant le feeling à la démonstration technique, le quintet nous plonge dans ce qui semble bien ressembler à un retour en grâce, d'autant que 'Shame Shame Shame' qui enchaîne se fait à la fois dynamique et accrocheur avec un refrain imparable. La recette n'est pas vraiment révolutionnaire mais elle est parfaitement dosée et fait preuve d'une redoutable efficacité. Avec l'aide de Desmond Child, Ratt semble avoir trouvé le juste équilibre entre tradition et évolution, alternant les titres relativement classiques pour leur discographie, et quelques nouveautés dont les prémices avaient pu être entraperçues sur "Reach For The Sky". C'est particulièrement le cas des groovy 'Lovin' You's Dirty Job' et 'All Or Nothing' qui balancent des clins d'œil appuyés à Aerosmith comme avait pu le faire 'Way Cool Jr.' sur le précédent opus. Pervers et au swing irrésistible, ces titres représentent sans aucun doute les sommets de ce "Detonator" bien nommé.
A quelques rares exceptions, le reste n'en est pas moins fort recommandable, alternant entre un hard popisant aux mélodies et refrains calibrés pour les ondes US ('One Step Away' ou 'Heads I Win, Tails You Lose' sur lequel Jon Bon Jovi vient faire les chœurs) et accélérations rutilantes symbolisant le retour en forme du groupe ('Scratch That Itch' ou le mordant 'Top Secret'). Dans cette dernière catégorie, 'Hard Time' et 'Can't Wait On Love' se révèlent plus dispensables bien que toujours agréables. La principale surprise vient de 'Givin' Yourself Away', ballade mid-tempo mélangeant mélancolie et arrogance pour un résultat aussi inattendu que réussi. Toujours illuminé par les interventions étincelantes de la paire Warren De Martini / Robin Crosby, l'ensemble ne souffre d'aucune réelle faiblesse, même si le chant si particulier de Stephen Pearcy continuera à ne pas plaire à tout le monde.
Le style reste donc toujours autant identifiable mais bénéficie ici d'un travail de composition minutieux enrichi par quelques prises de risque qui se révèlent payantes. Le seul handicap de cet opus vient de sa date de sortie. En pleine vague grunge, "Detonator" semble arriver trop tard pour sauver Ratt d'une lente descente vers une indifférence que cet opus ne mérite définitivement pas. Tel un baroud d'honneur aussi beau que désespéré, voilà un album qui vaut la peine qu'on y porte attention afin de lui offrir une reconnaissance légitime, d'autant qu'il faudra attendre longtemps avant de retrouver la formation californienne dans une telle forme.