Voici maintenant 18 ans que Mörglbl nous régale de sa fusion instrumentale inspirée. Le trio met toujours en avant avec bonheur une dimension décalée et burlesque dans les titres comme dans les postures qui illustrent les albums. Il s'appuie surtout sur une impressionnante discipline technique et mélodique. Depuis les cultissimes "The Mörglbl Trio !" et "Bienvenue A Mörglbl Land", le groupe a trouvé un rythme de croisière régulier pour nous apporter notre ration triannuelle de vitamines jazz et d’oligo-éléments metal. Le trio revient avec un "Tea Time For Pünks" dense et exigeant, parfait pour nourrir les estomacs solidement accrochés.
Pour ce sixième album, nos compatriotes Godin, Ouzoulias et Rougny sont allés chercher dans la culture britannique la matière de leur détournement clownesque avec quelques clins d'œil disséminés. En passant par la pochette inspirée des Sex Pistols, les titres en jeu de mots, la Big Ben essoufflée au tintement désaccordé qui ouvre le bal ou encore les vocalises dissonantes et éméchées de 'Yellow Submarime' en clôture de l'excellent 'Rood'. Pour le reste, ce "Tea Time For Pünks" fera le bonheur des amateurs de virtuosité instrumentale de haute volée à l'inspiration fusion encore plus débridée que d'habitude.
La mécanique est parfaitement huilée et les allers-retours entre les styles, principalement le funk, le rock et le métal abrasif, toujours maîtrisés avec une déconcertante facilité. Les musiciens ne sont jamais allés aussi loin dans l'exploitation de leur instrument, tant en termes de technicité que de recherches sonores. On retrouve quelques saveurs de Satriani et de Vai par-ci par-là ('Chinese Buffet'), du lyrisme à la Tony MacAlpine ('Rood'), beaucoup de groove ('Tea Time For Punks' et 'Untoon That Geetar') et de funk ('Banjovi' et 'God Shaved The Queen') dans des riffs ravageurs (Nuno Bettencourt n'est pas loin de celui de 'Mariachi's Burger') mais surtout une signature morglblienne savamment déclinée dans onze instrumentaux dépaysants sans oublier quelques incursions vocales complètement déjantées ('Mariachi's Burger' et 'Trere Ball').
"Tea Time For Pünks" est plus difficile d'accès que son énorme prédécesseur car en même temps plus hétérogène dans ses constructions et dans la complexité de ses contenus, faisant que, parfois, trop de styles s'additionnent dans un même morceau, et plus timide dans le déploiement mélodique. Si l'équilibre de technicité et de mélodie était génialement atteint dans "Brutal Romance", il faudra composer ici avec un esprit plus démonstratif et une dimension "jam-session" allant jusqu'à l'électro-expérimental ('Big Ben Shaved The Queen Interlude') ou le progressif ésotérique proche de Bozzio Levin Stevens ('Atomic Tom Mohawk'). Ce "Tea Time For Pünks" est donc à réserver aux fans du Mörglbl les plus hardis et aventureux.