Avec une seconde partie un peu trop léthargique, "Whiplash Smile" (1986) avait marqué un certain recul dans la carrière du blond peroxydé et de son comparse à la chevelure hirsute. Pourtant, ce n'était que le début d'une sale période pour Billy Idol qui vit tout d'abord son alter-égo de toujours le quitter. En effet, suite au succès rencontré avec la bande originale de Top Gun, Steve Stevens décida de voler de ses propres ailes, brisant ainsi un binôme qui paraissait inébranlable. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, le chanteur fut également victime d'un grave accident de moto qui le priva de sa participation au Terminator II de James Cameron dans lequel le rôle du T1000 lui était pourtant réservé. Le malheureux devra se contenter d'un second rôle dans le film d'Oliver Stone, The Doors, où il jouera le personnage de Cat, ami de Jim Morrison. Voilà un acharnement du destin qui laisse augurer du pire pour ce nouvel opus qui paraît en 1990 sous le titre de "Charmed Life".
Pourtant, accompagné de son nouveau comparse, Mark Younger-Smith, Billy Idol semble reprendre du poil de la bête, rebelle bombant le torse face au mauvais sort. Sur ce nouvel opus, il réussit même la gageure de trouver un bel équilibre entre évolutions et tradition. Cette dernière est essentiellement représentée par les titres les plus dynamiques, héritiers de "Rebel Yell" sur lequel certains auraient pu figurer. Que cela soit sur 'The Loveless' qui lance l'album en étant renforcé de belles lignes d'orgue, ou 'Love Unchained' et 'The Right Way' qui permettent à l'album de garder sa dynamique jusqu'à la fin, l'énergie est parfaitement distillée, efficace sans être simpliste. Si le remplaçant de Steve Stevens ne possède pas la créativité de son prédécesseur, il s'en sort cependant avec les honneurs, offrant au passage quelques beaux soli. Et pour en finir avec les titres les plus accrocheurs, il serait dommage de passer à côté des deux singles que sont 'L.A. Woman' et 'Cradle Of Love'. La reprise des Doors se voit enrichie de gimmicks de Jerry Lee Lewis, et reste fidèle à l'original tout en faisant preuve de personnalité. Quant à 'Cradle Of Love', il se fait hyper accrocheur et bénéficie d'un clip qui marquera l'histoire de MTV.
Mais Billy Idol est également capable de surprendre au travers de titres où il se met à nu, confessant ses tentations et addictions sur un titre ondulant, strié de saillies vocales et d'éclairs guitaristiques ('Trouble With The Sweet Stuff'). Il n'hésite pas non plus à utiliser quelques références bibliques pour traduire ses paradoxes sur un 'Prodigal Blues' ambitieux et profond, ou ses déchirements sur un 'Mark Of Caine' étonnant, alternant couplets jazzy et embrasements cinglants. Ces alternances de tempo et d'intensité se retrouvent également sur 'Pumping On Steel' avec sa grosse ligne de basse et son ambiance new wave, ou sur 'License To Thrill' qui vient clôturer l'album avec quelques expérimentations aussi surprenantes qu'intéressantes. Enfin, 'Endless Sleep' donne libre cours à l'esprit crooner du maître des lieux pour une agréable pause calme et délicate.
Considéré par beaucoup comme le début de la traversée du désert du cyberpunk, "Charmed Life" est pourtant un album d'une grande richesse ne souffrant d'aucun réel temps mort. Si la patte de Steve Stevens manquera à certains, il serait cependant injuste de sous-estimer le talent de son successeur et de condamner un opus qui a le mérite de venir enrichir la discographie et la carrière de Billy Idol qui, pour la première fois, y ouvre les portes de son âme torturée avec sincérité et talent.