Dire que le claviériste Patrick Moraz fait partie des légendes du rock progressif relève du truisme. Après avoir formé l´éphémère mais exécrable Refugee, il avait rejoint Yes et avait amplement contribué au chef-d´œuvre du groupe "Relayer" en réalisant de véritables sculptures harmoniques. Remercié sans préavis par Jon Anderson et Chris Squire, il fait ensuite un passage remarqué au sein de The Moody Blues, avant de poursuivre une carrière solo avec comme point d´orgue la récente tournée Close To The Edge. Après une rencontre avec le batteur américain Greg Alban (Ices, The Miracle), il décide de former un nouveau projet qui porte le nom des deux protagonistes, auxquels se sont joints le percussionniste Lenny Castro, les bassistes John Avila et Patrick Perrier, le saxophoniste Dave Vansuch et le guitariste Matt Malley.
L´écoute de cet album nous transporte dans les années 80. L´ensemble instrumental jazzy, qui met en avant en toute logique les claviers et la batterie, décline des atmosphères colorées (le saxophone sur ´Canyon Afternoon´, les percussions sur ´Jazz In The Night´, les nappes veloutées de ´The Real Feel´) flirtant parfois avec un son plus funk (´Jungle Aliens´) qui nous vient tout droit du Brésil (et qui rappelle l´album solo du claviériste "The Story Of I"). Les musiciens forment une équipe soudée (le jeu des claviers associé à la batterie sur ´Jazz In The Night´ pourrait être la colonne sonore d´un film d´horreur italien des années 80) dont les soli apportent de la fraîcheur comme par exemple celui de batterie sur le caustique ´The Drums Also Solo´.
La seconde partie de l'album développe le mini-concept déjà présent sur la première piste et centré autour des Martiens. Le rythme d'Alien Intelligence' apporte une certaine urgence tandis que ´Mumbai-Mantra´ nous offre des plaisirs sonores tropicaux, mais parfois étouffants sous les percussions (la chanson aurait gagné à être raccourcie), alors que les claviers semblent se faufiler comme une fumée sacrée. L´ultime piste ´Alien Species´ nous confronte à la rencontre du troisième type. Son rythme lancinant est légèrement perturbé par les claviers alertes et les roulis de percussions, avant de suivre une voie royale et apaisante. Un petit bijou intemporel (que ne renierait pas Popol Vuh ou Tangerine Dream), mais qu'on aurait, souhaité cette fois-ci, plus long.
Certaines voix discordantes pourraient accuser le nouveau projet de Patrick Moraz et de Greg Alban d´être volontiers passéiste. Ce serait aussi ridicule que de taxer Mozart d'être démodé. Sans pour autant soutenir la comparaison, gageons que Patrick Moraz a trouvé le bon groupe pour montrer ses talents de claviériste sur un album très agréable pour les oreilles dont le seul défaut est peut-être de ne pas clairement choisir entre le rock progressif et le jazz.