Nous avions constaté lors de la chronique de "II" une forte influence des groupes de hard-rock du début des années 70, Deep Purple en tête. Cette tendance est ici quasiment absente, même si le groupe de Ritchie Blackmore dispose d'une (toute petite) citation au sein de 'Moron Season', avec l'enchaînement d'accords caractéristique de "Smoke on the Water". En-dehors de cette digression, la tendance générale reste relativement calme, avec un univers sonore au sein duquel les claviers et notamment l'orgue Hammond tiennent une place prépondérante, rapprochant ainsi pas mal de passages de l'univers du Camel des années 70-80. Néanmoins, nous l'avons dit, le propre de Corvus Stone est de varier les plaisirs, et le moins que l'on puisse constater est qu'il y arrive à merveille.

Au sein d'une sorte d'inventaire à la Prévert, nous pourrions relever du jazz-rock ('October Sad Song'), du blues-rock avec une chanson à la Tom Jones ('Highway to Emptiness'), de la musique de cirque ('JussiPussi') incluant moult bruitages et percussions étranges, un solo de batterie sur un titre complet ('The Rusty Wolff Attack') … alors que le groupe ne possède pas de batteur attitré, de la musique de film d'horreur ('Scarry Movie'), voire même un titre qui pourrait avoir sa place sur une production de Manuel Göttsching et Ashra Tempel ('Corvus Stone'), même avec une ligne de basse aussi endiablée !

Au milieu de toute cette folie douce, on retrouve bien évidemment des musiciens capables de nous servir du progressif un tantinet plus traditionnel, n'oubliant pas d'inclure dans leurs délires quelques riffs électriques bien sentis ('Pilgrims'), deux epics prenant le temps de déployer leurs ailes à force de répétitions ('Corvus Stone' et 'Cinema'), un peu de psychédélisme aux atours floydiens, mais aussi de petites perles mélancoliques comme le single 'Ice King' qui, à partir d'une ritournelle plutôt simple, déploie sa mélodie imparable qui s'incruste rapidement dans la tête. Et comme pour baliser d'un dernier clin d'œil cette première œuvre, Corvus Stone termine ce magnum opus par une plage de 31 secondes ('Ten Inch Lisa'), en lien direct avec quelques titres de l'album à suivre deux années plus tard.