S'il est un style qui souffre en ce début des années 80, c'est bien le southern-rock ! Deux de ses plus grands leaders se sont mis en sommeil suite à des drames humains (Lynyrd Skynyrd, The Allman Brothers Band), et seul ZZ Top semble avoir réussi sa mue avec le succès monumental de son "Eliminator" (1983). Tentant de suivre l'exemple des barbus texans, d'autres se sont rétamés lamentablement, sombrant dans un hard FM mal maîtrisé, tels Point Blank, Doc Holliday ou Blackfoot avec son "Vertical Smiles" (1984). Alors que "No Guts... No Glory" (1983) semblait le mettre à l'abri de ce genre de déconvenue, Molly Hatchet se laisse malheureusement tenter par les sirènes commerciales, remplaçant un de ses guitaristes (Steve Holland) par le claviériste John Galvin qui officiait jusque là en tant qu'invité. Le sextet floridien remercie également son producteur Tom Werman pour le remplacer par Terry Manning.
Le résultat ne se fait pas attendre et le nouvel opus, intitulé "The Deed Is Done", plonge immédiatement dans une mélasse FMisante qui ne satisfera même pas les amateurs de ce style. Maîtrisant mal ce genre musical, Dave Hlubek et sa bande se vautrent dans les grandes largeurs, multipliant les erreurs en troquant leurs revolvers contre des paillettes ne leur seyant pas du tout. La responsabilité de John Galvin n'est d'ailleurs pas négligeable dans ce crash artistique. Ses couches de claviers se révèlent la plupart du temps ringardes ('Stone In Your Heart' et son intro 'Intro Piece') et viennent étouffer les quelques velléités de titres au potentiel mal exploité ('Satisfied Man'). Ajoutez à cela des chœurs d'un ridicule pathétique ('Backstabber'), l'utilisation d'un saxophone complètement à côté de la plaque ('She Does She Does'), et de nombreuses fins de titres utilisant la répétition ad libitum du refrain ('Man On The Run'), et vous avez une idée du désastre.
Pourtant, les derniers titres laissent renaître un peu d'espoir en ressuscitant le véritable Molly Hatchet. En remplaçant les synthés par un piano, la musique des Floridiens retrouve immédiatement sa dynamique et un son qui lui convient. Certes, la reprise du 'I Ain't Got You' des Yardbirds n'est pas particulièrement utile, mais placée entre l'entraînant boogie-rock de 'Heartbreak Radio' et le plus rageur 'Straight Shooter', elle participe à un final qui sauve ce "The Deed Is Done" du naufrage complet. Danny Joe Brown, à la dérive jusque là, retrouve sa verve et les guitares dégainent quelques sympathiques duels avec le piano. Ce dernier sursaut n'est pas suffisant pour transformer l'ensemble en un opus ne serait-ce que moyen, mais il a le mérite de maintenir le groupe en vie.
Premier véritable échec artistique et commercial de Molly Hatchet, cet opus aura le mérite de mettre le groupe face à ses responsabilités. Si la suite de sa discographie aura du mal à retrouver le lustre des premiers albums, le sextet évitera cependant de replonger dans une bouillie FM où il a bien failli se perdre définitivement. Le coup est passé près et la leçon sera retenue. Avec ce disque, les Floridiens ont payé cher leur trahison. Il leur faudra désormais remettre les comptes en équilibre pour qu'il ne s'agisse que d'un incident de parcours.