Deux ans après un "Sail Away" (1994) dont l'essentiel des titres était consacré à l'acoustique, Great White est de retour avec un nouvel opus dont le titre annonce clairement la couleur : "Let It Rock" ! Le format de leurs derniers albums leur ayant quasiment interdit un succès commercial, il semble logique que le combo de Mark Kendall revienne vers des terres plus accessibles, même si le Grand Blanc n'a jamais été réputé pour ses concessions aux sirènes du mercantilisme. En effet, c'est bien à un hard-rock plus direct que se consacrent désormais les Californiens alors que le poste de bassiste change encore de titulaire. Dave Spitz (Black Sabbath, White Lion, Impellitteri) est une nouvelle fois considéré comme un invité, comme ce fut le cas sur "Psycho City" (1992), Teddy Cook n'étant finalement resté que pour un seul album.
En dehors de l'introductif 'My World', composé avec Don Dokken et qui est probablement le titre le plus lourd et le plus sombre de la discographie du groupe, le reste de cet album marque le retour du hard-rock bluesy si typique de Great White. Nous retrouvons quelques bons hard rock'n'roll entraînants et accrocheurs ('Lil' Mama'), des ballades classiques mais toujours magnifiées par le feeling de Russell et Kendall ('Where Is The Love'), et de nombreux mid-tempi à écouter sur les highways américaines au soleil couchant ('Hand On The Trigger', 'Miles Away'). Les exercices récurrents du combo ne sont pas oubliés, comme celui de la reprise avec un 'Ain't No Way To Treat A Lady' de TKO propice au headbanging et doté d'un solo rutilant.
On trouve aussi le désormais incontournable titre acoustique avec 'Man In The Sky' composé par Jack Russell avec Todd Griffin, qui fait preuve à la fois de délicatesse et d'intensité émotionnelle. Même si la flûte utilisée sur 'Where Is The Love' paraîtra un peu cheap, aucune réelle faute de goût n'est à déplorer. Certains titres postulent même pour s'installer parmi les classiques du groupe. Le mid-tempo bluesy 'Pain Overload' se révèle particulièrement accrocheur, alors que 'Lives In Chains' et 'Anyway I Can' captivent l'attention sur plus de six minutes chacun. Le premier dégaine un tempo appuyé et une ambiance tendue comme un duel en plein Far-West, avant que le second ne déroule son hard-rock à la fois catchy et groovy à provoquer un tour de reins à une strip-teaseuse. Seule la ballade 'Easy' pourra peut-être sembler un peu trop ordinaire tout en restant sympathique. Rien de rédhibitoire donc !
S'il ne semble pas suffisamment armé pour pouvoir revendiquer le statut d'incontournable du groupe, "Let It Rock" ne manque cependant pas d'arguments pour faire de lui un excellent album. Plus accessible sans être commercial, plus classique sans pour autant être en pilotage automatique, il réussit le délicat exercice d'équilibriste qui permettra à Great White de revenir vers des territoires plus abordables sans abandonner en route une identité forgée depuis le début de sa carrière. Bien que la pochette de cet opus soit sûrement la plus moche de toute sa discographie, le combo US a ici de quoi retrouver la lumière de projecteurs plus intenses.