Si les Roumains de Dirty Shirt commencent sérieusement à faire parler d'eux (le groupe a été fondé en 1995), c'est plus pour leur folk metal que pour leur affiliation aux régions transylvaniennes et aux vampires que l'on y rencontre. Folk metal d'ailleurs bien plus racé et fin que celui qui est de mise chez nos barbares du nord de l'Europe, puisque qu'y croisent régulièrement des influences venues du funk, de l'electro et de la world music. Les plus attentifs d'entre vous auront peut-être gardé le nom du combo dans un coin de leur tête, puisqu'en dehors de leur seconde place au concours 2014 de Wacken, leur précédent effort "Freakshow" avait reçu en 2013 de très bons échos de la presse metal internationale.
Grisée par un tel enthousiasme, la formation de base s'est enrichie pour l'occasion de la sortie du génialement nommé "Dirtylicious" d'un orchestre folk roumain, formant un line-up de plus de dix musiciens dans le but un peu fou de proposer une musique encore plus personnelle et originale.
C'est donc un quatuor formé d'un violon, d'un cymbalum (instrument d'origine perse du XIIème siècle), d'un accordéon et d'un taragot (flûte à l'âme balkanique par excellence) qui accompagne nos trois guitaristes et leurs déjantés chanteurs Dan et Robert.
Pourtant, il est important de souligner que l'ensemble sonne tout sauf désuet et gentiment dépaysant - nous sommes très loin des jupons brodés et autres sympathiques percussionnistes en sabots. Le metal de Dirty Shirt est puissant, moderne, et leurs chanteurs ne font pas dans la dentelle quand il s'agit de pousser la voix. Le son est énorme, la rythmique frondeuse, et les effusions de guitares lourdes et mélodiques.
Avec de telles dispositions, le combo va s'autoriser tous les collages, aidé en cela par un chant (en roumain) tantôt clair et léger, presque androgyne, tantôt lourd voire growlé, indéniable plus-value de cet ovni musical, au point d'en devenir une marque de fabrique. La musique et les mélodies restent vite en tête, et l'album entier vous invite à une écoute répétée, tant il est tentant de percer les couches mélodiques et incursions inattendues présentes au sein de chaque titre.
"Dirtylicious" n'est pas avare de télescopages réjouissants : assemblage furieux d'un Dream Theater en colère et d'une sautillante complainte riche en "lalala" dans 'Moneyocracy', mélange dosé avec le plus grand naturel entre boucles électro, cordes et flûtes folkloriques et le metal le plus méchant sur 'Maramu', intrusion d'une guitare funky dans un ´Balkanique' riche en percussions et qui ne renie pas ses origines byzantines, jusqu'au moderne et déjanté ´Dirtylicious' sagement entamé mais qui éclate en une sorte de System Of A Down qui tenterait le solo de flûte juste pour voir, ou bien le véloce instrumental d'ouverture 'Ciocarla', qui nous conduit dans un pays où Rabbi Jacob "il va danser jusqu'à s'en défoncer les cervicales"!
Intelligemment agencé, l'album offre quelques pauses comme dans un 'Cobzar' chanté en chœurs, et quelques bombes de metal pur et dur comme 'My Art', qui rappellent si besoin est que ces gars ne sont pas des rigolos.
Après un final fédérateur et guilleret (quoique furieux) où le violon se fait péter les ficelles, il est permis de se dire qu'on tient là un album inusable et à la richesse épatante. Fans de metal folk, de metal ouvert ou simplement de réels talents proposant une musique nouvelle sans pour autant être obscure, foncez tout droit !
Puternic si minunat *
* puissant et merveilleux (traduit du roumain par Radam Preskovič )