La récupération de compositions datant de plus de trente ans, pour les faire connaître au public d'aujourd'hui, a permis à Orion de tester leur légitimité dans le monde du rock progressif actuel. Une fois passée ce coup d'essai plutôt bien accueilli, il ne restait au groupe français qu'à prouver qu'il pouvait exister autrement que sur les créations du passé. "La Face Visible" est donc une œuvre originale, avec pour fil conducteur la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989.
La première plage, qui donne son nom à l'album, est un long instrumental centré principalement sur les claviers et comportant plusieurs changements de rythme et d'ambiance. Ainsi, la rythmique martelée et son faux air d'électro cédera la place, dans la partie médiane de la compo, à un passage camelien, court certes mais bien sensitif. Avec seulement trois titres chantés sur les huit qui composent l'album, Orion tente de faire passer son propos plus par la musique que les mots.
En ajoutant quelques bruitages ou quelques citations sonores telles que le célèbre "Ich bin ein Berliner" prononcé en juin 1963 par John Fitzgerald Kennedy, Orion ponctue des compositions qui se veulent le reflet émotionnel des événements évoqués.
Plus loin, Orion oppose la chute du mur et son symbole de liberté d'expression retrouvée à l'attentat de Charlie Hebdo dans un instrumental poignant ('Résistance, Nous Sommes Charlie') où le bruit des touches de la machine à écrire se perd dans celui des détonations d'une mitraillette.
Quant aux parties chantées, elles déroulent des textes bien écrits mais sans prétentions littéraires. La voix module peu les paroles et le phrasé est un peu répétitif et monocorde tel que dans les odes des ménestrels au moyen-âge. Le rapport chant/musique étant très largement favorable à cette dernière, la légèreté des vocaux n'a, au bout du compte, que peu d'incidence sur le ressenti global que l'on peut avoir à l'écoute de cet album.
"La Face Visible " devrait plaire aux amateurs de mélodies interprétées sans surenchère d'instrumentation. Même si les claviers sont ici omniprésents, ils ne donnent pas dans les nappes épaisses du néo ou les envolées exubérantes du symphonique. L'ensemble sonnera sans doute pour certains un peu vieillot mais n'est-ce pas là la marque d'une sagesse liée à l'âge ?