La destinée de Trent Reznor pourrait servir de cadre à un film fantastique : concierge et homme à tout faire le jour aux studios de Cleveland, la nuit, notre jeune homme expérimente et bidouille des sons, en solitaire. Après avoir envoyé des démos à plusieurs maisons de production, c'est dans le sillage de TVT Records qu'il enregistrera son premier album. Trent Reznor se gardera d'appeler un groupe à sa rescousse, notre homme affichant un précoce savoir-faire d'homme-orchestre et une ténacité à toute épreuve face à tout ce qui pourrait apparaître comme concession commerciale. C'est pourtant sous le nom étrange de Nine Inch Nails que paraîtra ce premier essai ''Pretty Hate Machine''.
La première piste 'Head Like A Hole', mêlant efficacement un chant narquois sur les couplets et un déchaînement inattendu de violence sur les refrains, constitue la première réussite d'un auteur soi-disant inexpérimenté. Avec 'Down In It' qui s'aventure sur des pentes hip-hop tout en gardant un ton martial, en passant par le riff déglinguée de basse de 'Sanctified', les claviers froids sur lesquels se greffe un riff de guitare tranchant avant qu'une option quasi hip-hop ne soit envisagée sur 'Ringfinger' ou les ambiances délirantes de jeux d'arcade sur 'Sin' , Trent Reznor nous fait visiter son laboratoire sonore où fourmillent les idées et autoproclamer le règne des machines. La ballade 'Something That I Can Never Have' détonne dans cet univers bruitiste en apportant un peu de calme (derrière lequel gronde la tempête qui n'éclatera pas).
Les paroles de l'album sont en adéquation avec le monde froid et décharné qui émerge de la musique. Le jeune homme de vingt-quatre ans se révolte contre l'autorité parentale (à travers la figure de Dieu sur 'Terrible Lie' ou de l'argent sur 'Head Like A Hole'), fait part d'un désir de repli ('Down In It') et d'une attirance pour la face obscure de l'âme ('Sanctified', 'Kinda I Want To' et ses riffs semblables à des mitraillettes, 'Ringfinger').
Trent Reznor démarre en cinquième vitesse et nous livre un album violent et énergique sous la houlette des machines et qui trouvera des répercussions en concert, où ce dernier mettra en place un théâtre de la cruauté systématique.