Se lancer dans une carrière solo à 65 ans passés, il fallait oser. Mais lorsque l'on s'appelle Billy Gibbons et que l'on a une carrière de plus de 45 ans qui a mené son groupe sur les sommets réservés aux légendes du rock, on ne s'inquiète pas plus que ça. Il faut dire que le guitariste et chanteur de ZZ Top a toujours baladé son attitude nonchalante, sérieux sans se prendre au sérieux, en ne laissant personne influencer ses choix de carrière. Ce n'est donc pas maintenant qu'il va changer de philosophie. Par contre, d'un point de vue artistique, cela fait un moment que ses influences latino-américaines le démangent. Il y avait déjà les titres des albums de son trio mythique qui y faisaient très souvent référence. Mais sur un album tel que "Mescalero" (2003), elles avaient commencé à déborder sur quelques compositions. Le barbu à la coiffe africaine a donc fini par décider d'apposer son nom et sa trombine sur un album pour lequel il est accompagné par plusieurs musiciens réunis sous le nom de The BFG's.
Que les fans de ZZ Top se tiennent donc prêts pour un dépaysement musical car ils ne retrouveront pas grand-chose de l'identité du trio texan sur ce "Perfectamundo". Mis à part les premiers accords de 'Got Love If You Want It', quelques soli sur lesquels la patte du maître est facilement identifiable et cette fameuse voix rauque et chaude, le reste est dévolu à une musique ensoleillée et dansante aux rythmes latinos. Et encore, le chant est régulièrement trafiqué au travers d'un vocoder, histoire de déboussoler encore un peu plus l'auditeur. Tout au plus pourrons nous noter l'intro bluesy et le sublime solo final d'un 'You're What's Happenin', Baby' qui œuvre plutôt dans une ambiance lounge et électro dotée de passages au chant rappé. 'Pickin' Up Chicks On Dowling Street', 'Piedras Negras' et le titre éponyme intègrent également quelques éléments rock, mais ils doivent partager les lieux avec une ambiance funky et groovy et de savoureuses interventions d'orgue.
Une fois le dépaysement digéré, il est cependant facile de se laisser emporter par ce mélange d'influences qui voit la salsa dicter le tempo d'un 'Got Love If You Want It' accrocheur, d'un 'Sal Y Pimiento' au refrain répétitif, ou de 'Hombre Si Nombre'. C'est également le cas du single 'Treat Her Right', ce qui n'a rien d'étonnant lorsque l'on sait qu'il s'agit de la reprise d'un tube de Roy Head datant des années 50. Malheureusement, l'utilisation d'effets électros en (trop ?) grand nombre finit par rendre l'ensemble un peu trop linéaire, si bien qu'il devient difficile de retenir un titre en particulier. L'utilisation de l'introduction du 'Hold On, I'm Coming' de Sam & Dave sur 'Quiro Mas Dinero' s'efface vite derrière des couplets rappés sans réel intérêt, et la reprise du 'Baby, Please Don't Go' de Big Joe Williams s'englue vite dans l'abondance d'arrangements. Ce sont finalement le titre éponyme en se faisant plus direct, et le final 'Q-Vo', jazzy et presque intégralement instrumental, qui empêchent un décrochage complet.
La prise de risque est respectable et emblématique de son auteur, tandis que l'ensemble reste très agréable. Mais ceci ne suffit pas à faire de cet album un incontournable, mais plutôt une curiosité qui mérite que l'on y porte attention. Au final, il y a de fortes chances pour que les amateurs de ZZ Top ne s'y retrouvent pas et qu'ils attendent avec impatience un nouvel opus du trio qui répondra plus à leurs attentes. Pour les autres, la découverte sera l'occasion d'un moment agréable et détendu.