Si l'album précédent n'avait pas démérité, il ne possédait aucun titre sortant réellement du lot, de ces chansons qui, par une alchimie incompréhensible, marquent durablement les esprits et qu'on redécouvre avec la même émotion après des dizaines d'écoutes. Dire que "Space Oddity", l'album, possède avec le titre éponyme, un tube (inter)planétaire et intemporel tient du truisme pour tout être humain un tant soit peu ouvert au rock.
Le morceau est d'ailleurs à ce point la locomotive de l'album qu'il a fini par lui donner son nom lors de sa réédition en 1972, le disque s'appelant lors de sa sortie initiale "Man Of Words, Man Of Music". Avouons que nous n'y avons pas perdu au change. Est-il utile de présenter ce titre à l'ambiance à la fois futuriste et éthérée, truffé de trouvailles (le compte à rebours, les bruits "spatiaux", le crépitement du stylophone), opposant un couplet déclamatoire à un refrain lyrique. Le travail des instruments y est remarquable, de la ligne de basse mélodique aux nappes de claviers, du gimmick des guitares électriques aux accords plaqués de la guitare acoustique, et Bowie nous gratifie d'une grande prestation, passant du grave à l'aigu, pour nous fait vivre intensément ce huis clos spatial.
Difficile de trouver meilleure entrée en matière ! Malheureusement, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt, le reste de l'album ne retrouvant jamais ce niveau, loin s'en faut. Il faut se contenter de deux ou trois autres titres au-dessus du lot. 'Cygnet Committee', presque progressif, retient l'attention essentiellement par l'interprétation de Bowie, passant d'un chant mezzo voce à la voix chaude de crooner (que Bowie utilisera sur des albums plus tardifs) ou aux aigus acides qui resteront à la postérité avec Ziggy Stardust. 'Wild Eyed Boy From Freecloud' utilise un orchestre qui lui donne de l'ampleur et de la majesté et sur lequel Bowie fait preuve une nouvelle fois de ses extraordinaires qualités vocales. Enfin, 'Memory of a Free Festival' est une curiosité en deux parties (la première où le chant n'est accompagné que d'un harmonium, la seconde façon gospel), certes originale mais pas complètement convaincante.
Les autres titres semblent aujourd'hui datés et peu inspirés ('Unwashed and Somewhat Slightly Dazed', 'Don't Sit Down', 'An Occasional Dream') ou simplement quelconques ('Letter to Hermione', 'Janine', 'God Knows I'm Good'), l'usage abusif de la guitare acoustique et de ses accords balayés sur la plupart donnant l'impression que Bowie s'est d'abord exercé autour d'un feu de camp, l'accompagnement des cuivres du premier album faisant heureusement partie du passé.
Malgré la diversité des thèmes explorés et le caractère inégal des compositions, David Bowie trouve dans "Space Oddity" une unité de ton que n'avait pas son premier album. Néanmoins le disque a un peu vieilli et manque d'hymnes fédérateurs en dehors de son titre-phare. De meilleurs sont à venir mais celui-ci est déjà très plaisant.