Toute sa carrière durant, David Bowie restera imprévisible. Ainsi, coincé entre le compact et percutant "The Man Who Sold The World" et le tout aussi rock et électrique "Ziggy Stardust", David Bowie offre à son public naissant de fans avec "Hunky Dory" un album frappé du sceau de l'éclectisme.
Pourtant, le line-up qui entoure l'artiste commence à se stabiliser. On retrouve les deux Mick, Ronson et Woodmansey, dont la présence avait largement contribué à la réussite de l'album précédent. Et si Tony Visconti n'est plus à la basse, il est remplacé par Trevor Bolder qui va former avec ses deux autres compères l'éphémère Spiders From Mars de l'album suivant. Pour finir, on retrouve aux claviers quelqu'un ayant déjà fait une courte apparition sur "Space Oddity" et appelé à faire partie de l'Histoire du rock progressif : le talentueux et encore pas trop exubérant Rick Wakeman himself.
Et Wakeman est loin de faire de la figuration. Si "The Man Who Sold The World" avait été dominé par le duo guitare/batterie, le piano règne en maître sur "Hunky Dory", du moins sur ses deux premiers tiers, illuminant le magnifique 'Life On Mars ?' et volant parfois la vedette à David Bowie sur des titres moins charismatiques ('Kooks', petite comptine pour son fils Zowie, 'Fill Your Heart' au glam solaire).
L'album débute en fanfare avec trois tubes en puissance : 'Changes' où le chant crooner, les cuivres et les chœurs flirtent avec une certaine grande variété américaine, au ch-ch-ch-ch-changes addictif et original, 'Oh ! You Pretty Thing', douce ballade où la voix de titi londonien de Bowie est une fois de plus remarquable, et 'Life On Mars ?' où se conjuguent chant poignant, mélodie superbe et crescendo magnifique. L'un des plus beaux titres de l'Anglais !
Mais Bowie semble avoir jeté ses meilleures cartouches dans ce début d'album. Les choses se tassent un peu avec 'Quicksand' et 'Fill Your Heart', très agréables mais moins charismatiques, et l'album baisse encore d'un cran avec les assez ternes hommages que sont 'Andy Warhol', 'Song For Dylan', 'Queen Bitch' (à Lou Reed) et 'The Bewlay Brothers' (à son frère interné pour troubles mentaux). Le côté orchestral a cédé la place aux accords balayés de la guitare acoustique (un vieux travers de Bowie) et même si 'Queen Bitch' annonce le ton de "Ziggy Stardust" et si 'The Bewlay Brothers' réserve quelques belles envolées, l'intensité n'est plus la même.
Bowie rentre un peu dans le rang : tout en conservant un style bien à lui, ses titres prennent l'allure de jolies petites ballades d'où sont gommées les excentricités de la jeunesse pour être avantageusement remplacées par des orchestrations originales. Malgré un petit côté hétéroclite et une fin d'album en demi-teinte, "Hunky Dory" fait partie des albums de Bowie que l'on se doit de connaître.