Après deux albums judicieusement intitulés "01" et "02", Scherzoo nous étonne en baptisant son troisième album… "03". Après tout, l’adage qui veut que "jamais deux sans trois" est respecté. Scherzoo, c’est avant tout le groupe du multi-instrumentiste François Thollot qui abandonne le poste de batteur qu’il tenait sur ses deux premiers disques pour se visser sur la tête une casquette de bassiste.
En plus de ce changement de rôle, le groupe voit son effectif totalement renouvelé, ce qui cependant ne se ressent pas énormément dans sa musique. Entièrement instrumental comme ses prédécesseurs, "03" renoue avec les goûts avant-gardistes de Scherzoo, mélangeant RIO (rock in opposition) et jazz fusion en l’épiçant de quelques touches de zeuhl. Inutile de préciser que dissonances, mesures impaires, ruptures de cadence, changements fréquents de thème et répétitions de phrases mélodiques en boucle, associés à une bonne technique, figurent au menu.
Néanmoins, si le saxophone très en verve sur les six titres de l’album se laisse régulièrement aller à des stridences suraigües du plus bel effet, il serait hâtif de conclure que cet album n’est destiné qu’aux amateurs dont les conduits auditifs pourraient servir de sujet de thèse aux futurs élèves du concours d’oto-rhino-laryngologie. Car Scherzoo sait nuancer son propos d’avant-garde en le diluant dans des thèmes mélodieux souvent mélancoliques. Si ‘La Menace’ et ‘Open Cluster’ distillent une musique anguleuse et exigeante, les quatre autres titres n’utilisent les dissonances qu’avec parcimonie, installant la plupart du temps une confortable atmosphère jazz rock. Tellement confortable qu’elle en devient par moments légèrement ennuyeuse, des morceaux comme ‘Orient Express’ ou ‘Contagion’ semblant parfois traîner en longueurs inutiles.
"03" contient également trois titres bonus enregistrés par l’autre groupe de François Thollot, Dissonata. Le saxophone est remplacé par un hurdy gurdy, sorte de vielle à roue dont le son aigrelet peut se révéler agaçant à la longue, et au jazz rock se substitue une musique teintée d’impressionnisme, alternant passages doux et mouvements enlevés, bénéficiant d’un piano très expressif, notamment sur ‘Prélude Englouti’, solo de piano à la façon d’un Debussy ou d’un Saint-Saens.
Un peu déséquilibré entre ses six premiers titres fortement imprégnés de jazz et ses trois morceaux bonus de facture plus classique, et handicapé par quelques passages manquant d’allant, "03" propose néanmoins un RIO pas trop abstrait qu’une oreille même peu habituée à ce style musical pourra apprécier sans trop d’appréhension.