On ne présente plus Billy Sherwood, petit musicien américain qui faillit remplacer Jon Anderson chez Yes, avant d'être intégré comme bassiste, devenu magicien du mixage en plus d'être musicien solo. Après un "Divided by One" souffrant d'un air de déjà-entendu, Billy Sherwood nous livre son dernier effort nommé "Citizen", et n'a pour cela pas lésiné sur les moyens, puisqu'il a convié comme invités la plupart des membres passés, présents ou futurs de Yes. Ce nouvel effort solo prendra-t-il ses responsabilités musicales?
Malheureusement, malgré le menu alléchant, ce nouvel album n'apporte rien de neuf à la discographie de Billy Sherwood, débutant par un titre éponyme bancal qui flatte les clichés du revival prog, avec un solo de guitare nacré de synthétiseurs qui s'éternise au-delà de la minute. Le chant survient et se révèle totalement exsangue, comme si Billy Sherwood ne se donnait pas la peine de faire le chanteur avec un minimum de sérieux et d'émotion. Le morceau, dont la longue durée n'est pas justifiée et qui tombe rapidement dans la redite, reste dans l'histoire comme le dernier enregistrement de Chris Squire, mais à l'écoute de la piste, c'est tout à fait anecdotique ...
Cette première piste sert hélas de moule aux autres chansons. Les percées minimalistes de claviers sans relief (scandaleux, quand on connaît le pedigree des claviéristes présents ...) couplées à des solos de guitare rébarbatifs semblent être la marque de fabrique de l'album ('Empire' chantée par Alan Parsons, 'Trail Of Tears'), certains titres se laissant envahir par des flatulences instrumentales d'un goût incertain ('Age Of The Atoms', 'Escape Velocity', 'A Theory All Its Own').
Si l'idée d'un concept-album sur les réincarnations multiples à travers différentes époques évoquées par les titres était une louable intention, à aucun moment nous ne sentons que nous changeons de lieu ou d'ambiance, comme si le concept n'était qu'un alibi pour assembler des morceaux banals dont l'architecture s'effrite tragiquement, malgré la présence d'invités prestigieux : le solo de Steve Morse sur 'No Man's Land' tombe comme un cheveu sur la soupe, comme si ce dernier s'était trouvé par hasard dans le studio au moment de la prise de son. Pis, les membres de Yes ou d'Asia pourraient accuser Billy Sherwood de plagiat s'ils n'étaient pas en grande partie présents sur l'album (le refrain de 'No Man's Land' peine à dissimuler ses influences).
Il est difficile de séparer le bon grain de l'ivraie sur un tel album. Si certaines pistes s'écartent du modèle initial, comme les ballades 'The Great Depression' - dominée un instant par le piano juste de Rick Wakeman - , ou 'Just Galileo And Me', avec une chaleureuse partition de guitare et la voix de Colin Moulding, un peu plus convaincante (mais toutefois pris en flagrant délit d'imitation de Phil Collins), les morceaux ne surprennent aucunement et adoptent plutôt l'apparence d'interludes ratés. Il faudra attendre la fin de l'album pour entendre une perle ('Written in the Centuries'), portée par la voix ensorcelante de Jon Davison : les soli de guitare se font plus tranchants, les synthétiseurs plus affûtés et l'émotion nous submerge sans prévenir. Cette dernière piste vaut largement l'écoute, sinon l'achat de l'album.
''Citizen'', huitième album de son auteur, donne l'impression que ce dernier s'entête à vouloir se faire plaisir en ressuscitant les fantômes du rock progressif à versant pop. Il est vraiment dommage que Billy Sherwood s'entête tel Sisyphe à accumuler les albums solo pour mieux dégringoler.