Né en 1994 des cendres de Mock, Kampfar fait partie des pionniers, norvégiens mais pas que, du pagan black metal, offrant au genre deux œuvres matricielles, "Mellom Skogkledde Aaser" en 1997 suivi deux ans plus tard de "Fra Underverdenen".
A cause de divers problèmes contractuels avec les labels qui ont successivement publié ses offrandes, le groupe, qui se confond avec Dolk, son chanteur et ancien batteur, disparaît des écrans-radar à l'aube du nouveau millénaire, silence qui ne fera que renforcer l'aura culte qui l'entoure désormais, alors même que sa réputation demeure confidentielle. Il faut attendre 2006 et la sortie du troisième album, "Kvass", pour que le drakkar reprenne la mer.
Peut-être en attendions-nous trop mais cet opus, de même que les suivants, ont quelque peu déçu, quand même ils dépassaient tranquillement de la tête et des épaules nombres de productions estampillées "pagan". Est-ce le fait d'être maintenant hébergés chez Indie Recordings (pour combien de temps ?) mais les Norvégiens semblent désormais plus inspirés que jamais. Preuve en est avec ce "Profan" qui ne fait pas que surgir très vite de la brume après "Djevelmakt", son aîné d'un an seulement, s'imposant surtout comme le Valhalla fantasmé depuis dix ans.
Pourtant fidèle à un art dont il ne se départira sans doute jamais, à la fois minéral et glacial, d'une majesté râblée, Kampfar galvanise cette fois-ci les sens avec des compositions où règnent les atmosphères d'une sombre beauté. Serrant le frein à main, les Vikings privilégient les tempos entêtants évocateurs de fjords millénaires, sans pour autant s'interdire de furieux assauts, bien au contraire. A ce titre, 'Daimon' se pose d'emblée comme un des joyaux de leur répertoire, épopée dont les lignes obsédantes s'accouplent avec de brusques accélérations.
Bien que plus rapides, 'Skavank', 'Profanum' ou encore 'Tornekratt' sont fait du même bois. Le groupe sait toujours briser le canevas véloce qu'il forge en le perçant de meurtrières qu'incarnent riffs grésillants et tempos lancinants ('Pole In The Ground'). Court, l'album bouillonne d'une violence tendue, noire et souterraine, brûlant à la surface d'une mer gelée. Par moment, celle-ci explose franchement, témoins 'Gloria Ablaze' et 'Icons', illustrant alors que Kampfar n'a rien perdu avec les années de sa sève abrupte et de ses traits tranchants, creusés dans la roche froide.
Juste milieu entre puissance ravageuse et ambiances majestueusement crépusculaires, "Profan" fait honneur à la réputation du groupe dont il se révèle être un des meilleurs albums. Tout simplement...