On ne présente plus Manfred Mann, claviériste d'origine sud-africaine qui a d'abord eu des succès rock avant de flirter avec le rock progressif dans les années 70 sous le nom de Manfred Mann's Earth Band. Malheureusement, les années 80 vont être fatales pour Manfred Mann considéré comme un dinosaure à l'instar de nombre de formations prog. Le moment semblait opportun pour faire un retour aux sources : quelque part en Afrique!
"Somewhere In Afrika" peut s'envisager comme un concept-album autour de la patrie de notre claviériste. Si l'on regarde la liste des morceaux avec attention, on constate que la moitié des huit titres sont des reprises. Manque d'inspiration ou stratégie commerciale ? Ce serait mal connaître notre maître des claviers, qui a déjà prouvé par le passé sa capacité à transcender les chansons qu'il se réapproprie et pulvérise ici les uns après les autres les auras des interprètes des titres originaux.
Ainsi, 'Demolition Man' fera oublier la chanson de The Police (par ailleurs déjà ratée) en lui donnant l'énergie d'un bolide lancé à toute vitesse. Le regretté Steve Waller, sosie non officiel d'Orson Welles, apporte l'élément de chaleur grâce à sa voix rauque et sa guitare hard. Il est rejoint sur les refrains par la voix exceptionnelle de Shona Laing (interprète intemporelle du tube '(Glad I'm) Not A Kennedy). Les éructations finales du guitariste sont reprises en double par la chanteuse néo-zélandaise, tandis que Manfred Mann profite d'une brèche pour lancer un solo de synthétiseurs.
La guitare hard et la voix de Shona Laing, couplée cette fois à celle de Chris Thompson, se retrouvent sur les rythmiques sautillantes de 'The Eyes Of Nostradamus' d'Al Stewart. 'Redemption Song' de Bob Marley est réécrite pour la circonstance en 'No Kwazulu' et apporte une énergie à ce qui manque cruellement au répertoire de son interprète (avec la participation d'un autre sud-africain Trevor Rabin à la guitare). 'Third World Service' d'Anthony Moore tire son épingle du jeu en mélangeant percussions africaines, sons électroniques et guitares hard.
Quant aux travaux originaux, ces derniers sont assez courts, à l'exception de la longue 'Africa Suite', et servent surtout d'écrins aux reprises réarrangées pour le concept. Cependant 'Africa Suite' est un voyage au long cours qui débute par des chants africains, qui deviennent rapidement inquiétants avant de nous conduire dans un univers plus funky, grâce à une basse très présente, pour retrouver ensuite l'harmonie initiale. Ce voyage à travers différentes atmosphères soutenant un concept fort et novateur nous fait regretter que le groupe n'ait pas plus développé son écriture originale.
"Somewhere In Afrika" est un album oublié dans la discographie de Manfred Mann à redécouvrir. Décidé à dénoncer l'apartheid, cet album peut s'écouter comme une volonté d'associer des sonorités africaines à des sonorités plus modernes, plus hard, annonçant la world music vers laquelle lorgnera définitivement un Peter Gabriel.