La pochette de ce groupe Québécois est éloquente : Un fou du roi semble être emprisonné dans une boule de feu de couleur rouge écarlate qui elle-même est entouré de fluides électriques. Cela décrit parfaitement le contenu musical de ce power trio (guitare, basse, batterie) à la maîtrise technique irréprochable = une fougue musicale canalisée à l’intérieur d’une énergie encore plus forte. Une sorte de combat entre l’agressivité rock et la volonté de livrer une véritable création musicale unique et recherchée.
Cette sensation de fougue, ressentie tout au long de l’album, malgré quelques baisses de régimes, est due aux modes d’enregistrements choisis par le groupe. En effet, on apprend dans le livret que le disque est le résultat de plusieurs jams et de sessions d’enregistrements (de déc 2000 à Avril 2002) pris sur le vif. Certains titres ont été capturés en direct, d’autres ont été montés à l’envers avec la batterie en dernier, tandis que d’autres ont été finalisés pièce par pièce. Il en ressort de cette performance live une spontanéité et une fraîcheur particulièrement prenante et réussie.
Le jazz fusion instrumental de Talisma ne se perd pas dans des improvisations free jazz. Vous ne subirez donc pas de longues interprétations techniques nombrilistes qui tourneraient en rond. Car de monotonie, il n’en est nullement question ici. Les compositions sont courtes et concises, à l’intérieur desquelles figurent plusieurs changements de rythmes dignes des meilleurs Anglagard, Anekdoten ou King Crimson.
Bien que l’attention de l’auditeur soit accaparé par le fort impact mélodique des neufs premiers titres, certains se trouvant à la fin du cd sont tout aussi intéressants (par ex « Twitts » aux percussions dynamiques et nombreuses donnant une orientation latino inattendue...).
La première partie de l’album développe une ambiance sombre et tourmentée proche de King Crimson. Mais il serait dommage de résumer Talisma à cette seule influence, car Rush et Djam Karet ne sont pas loin également. Rush pour le rôle primordial de la basse (6,7, 12 cordes ou fretless) et le style direct des compositions. Djam Karet pour l’enchevêtrement fougueux des instruments. Tandis que les deux seules interventions de la chanteuse, Nathalie Renault invitée par le groupe, à la voix enchanteresse (« Samba tapping » « Freezone ») me rappelle certains chants en onomatopées de Magma dans « les voix ».
Un petit bémol cependant, il s’avère que certains titres auraient quand même mérités un développement plus conséquent car ils manquent de finitions (« corpus » « Le druide » « Corpus II »). Une contrepartie que l’on comprend mieux maintenant que l’on connaît la volonté du groupe de nous délivrer leurs compositions brutes de décoffrage.
Avec Talisma, Unicorn record enregistre peut être un futur grand de la scène prog. Reste à savoir si pour leur prochain album, ils opteront pour les mêmes conditions d’enregistrement ou s’ils préféreront prendre plus de recul pour mieux finaliser leurs compositions. Des Québécois que je vous conseille fortement de découvrir.