En sortant son deuxième album "RewoTower", Profusion créait la surprise progressive de 2012 chez un certain nombre d'amateurs, avec un rock progressif moderne à la fois rafraîchissant, énergique et original, et atteignait le sommet des préférences musicales annuelles de votre serviteur. C'est avec une certaine impatience que nous attendions le retour des Italiens sans savoir quelle direction serait prise par Luca Latini et ses compères. C'est une pochette étrange de buste antique aux yeux maquillés de femme contemporaine qui illustre "Phersu", le troisième album de Profusion.
Phersu est un personnage étrusque masqué qui donne l'idée directrice au disque. Si celui-ci n'est pas à proprement parler un album conceptuel, il décline cette thématique avec une galerie de personnages modernes chacun symbolisé par un masque aux caractéristiques diverses, souvent contradictoires, reflétant autant de représentations sociales. A cette grande variété d'histoires répond une profusion de styles musicaux encore plus importante qu'avec "RewoTower". Il y a dans "Phersu" un véritable saut qualitatif dans la volonté de fusionner les genres et de proposer une musique très arrangée et très éclectique, dont les racines géorgiennes de Sichinava sont de plus en plus influentes.
L'introduction de "Phersu" fait intelligemment la jonction avec "RewoTower" via un power-métal progressif direct bien mené par la dextérité des musiciens, l'éclat des mélodies des refrains et la rigueur des séquences instrumentales. L'excellent 'Free Fall', qui contient un extrait du poète géorgien Galaktion Tabidze, et l'efficace 'Forgetfull Hero' incarnent la douce évolution vers plus de contrastes dans les ambiances, avec l'ajout de subtils arrangements de cordes et de piano, et préparent aux riches mélanges à venir. La première innovation intervient avec 'Wrinkled Maiden' qui voit la cantatrice géorgienne Anita Rachvelishvili transcender de toute sa classe lyrique cette courte power-ballade.
C'est à l'occasion des trois morceaux centraux que le groupe va le plus montrer l’étendue de son audace à jongler entre les genres et que vont se succéder le plus d'idées originales et d'ornementations instrumentales (cordes, cuivres, accordéon du géorgien Jakub Mietła, harpe, claviers modernes et vintage). Les italiens y font cohabiter leur rock/heavy progressif avec les atmosphères orientales, les chants ancestraux du géorgien Mamuka Ghaghanidze et les cadences folk dans un 'Nomen' plein d'allant, le magnétisme de la harpe dans un éthéré 'Infinite' et la funk cuivrée et jazzy dans le spectaculaire 'Masquerade'.
Ces temps forts font place à 'Veteran', un bon titre rock dont la sombre séquence au piano lui donne un regain d'intérêt, 'Vanity Fair' qui permet à Luca Latini de se montrer particulièrement en voix, et surtout la très belle association piano-voix de 'Forbidden' qui clôt l'album sur une touche d'émotion. Ces trois compositions, bien que de qualité, n’atteignent pas la réussite du cœur de l’album ni même le niveau général d’exigence que l’on avait apprécié dans "RewoTower", et ce constat est malheureusement similaire sur d’autres titres.
Plus globalement, "Phersu" apparaît plus poussif et moins cohérent que son prédécesseur dans lequel les Italiens savaient emballer les morceaux avec fluidité et entrain. Le travail de finition donne ici des signes d’imprécision qui se perçoivent dans quelques jonctions (l’arrimage de la partie instrumentale de ‘Snooze’) et dans des fins trop brutales de certaines chansons. A cela s’ajoutent une production qui manque de rondeur et une insuffisance d’unité des morceaux entre eux. "Phersu" est plus difficile d’accès pour ces raisons et n’arrive pas, malgré quelques coups de maître, à atteindre l’excellence de "RewoTower", qui demeure l'album référence de Profusion.