Sound of Memories est une jeune formation qui tient à se faire une place dans la cohorte de chevelus énervés : formée en 2010, elle propose son premier album 'To Deliverance', une fontaine de joie qui donne l'envie de crier sur tous les toits que la France recèle des talents cachés qui apportent leurs pierres angulaires aux architectures érigées par les illustres fossoyeurs.
Même si le combo cale son pas dans celui des destructeurs historiques (Carcass ou Children of Bodom), il souhaite se démarquer par des aspects singuliers qui l'éloignent de ces modèles. D'abord, on sent l'envie de flirter avec le progressif par un lien ténu, un je-ne-sais-quoi qui relie les pistes et esquisse un concept philosophique autour de la folie. Ensuite, comme sur les productions progressives, la batterie trône majestueusement au centre du spectre sonore. Est-ce alors une volonté d'affirmer qu'avant d'être mélodique le death était rythmique, écrasant et quasi punk ? Enfin, les alternances entre passages harassants à la la lisière du thrash, envolées mélodiques et intermèdes suspendus dans le temps sont légion, comme une synthèse des écoles métalliques.
Après une introduction cinématographique qui nous fait entrer dans la narration, la terreur se déchaîne et la violence décomplexée est libérée. On imagine un certain sadisme des musiciens à dispenser des instants calmes, des secondes, des minutes qui laissent monter la mayonnaise, chamboulés alors par la puissance à l'état brut ("Anemaa"). L'opus n'est pas un long fleuve tranquille, loin s'en faut, plutôt une cavalcade infernale guidée par une voix aux intonations caverneuses et aux cris inhumains qui terrassent le néophyte ('Momentum'). Les interventions solitaires à la guitare sont nombreuses, depuis le magnifique 'To Delivrance' qui synthétise toutes les couleurs musicales, jusqu'à 'Confined in Struggle' à l'introduction Insomnium-ienne (rappelez-vous 'Mortal Share') en passant par 'Eulogy' qui nous englue dans des mélodies imparables. L'architecte sonore mélange avec délectation les couleurs, les timbres vocaux, assène des changements de rythme, crée des enluminures grâce aux dialogues de six-cordes dignes de Michael Amott ('Pray for Blood'). Cerise sur le gâteau, certains passages Carcass-iens pourraient être tirés de "Heartwork" ou "Swansong" ('Pray for Blood'). Alors, tantôt aux portes du thrash, du metal progressif, du death enharmonique ou du metal plombé, la formation réussit une union sonore quasi mystique.
"To Deliverance" est un album majestueux bourré de maestria, de classe et d'aisance. Les compositions y sont ciselées avec un art noir presque paranormal, la mise en place et la maîtrise de l'espace sonore y sont ahurissantes. Sound of Memories érige un mur sonore titanesque que les suiveurs auront du mal à surpasser. La galette est jouissive et résume de belle manière ce que doit être le death moderne : technique, mélodique, violent, novateur et fier de son héritage.