La recette Creedence reste toujours la même depuis la création du groupe, une rythmique basique voire simpliste (et qui ferait passer Charlie Watts des Stones pour un virtuose), un côté direct et sans fioriture, un son et un esprit du bayou et les mélodies de John Fogerty. Et tout s'annonce pour le mieux en cette fin d'année 1970. Les derniers albums studio, enregistrés à un rythme effréné font un carton et en décembre sort ce tout nouveau "Pendulum".
Mais une ombre s'affiche au tableau. Le plus vieux des frères Fogerty, Tom, la guitare rythmique du groupe depuis sa création, quitte le navire durant l'enregistrement. La raison : le côté légèrement tyrannique d'un John qui compose, arrange et enregistre tout sans demander l'avis de ses collègues. Et malgré toute la bonne volonté de ce dernier, la tension se ressent tout au long des titres ici présents et l'alchimie habituelle qui compense la faiblesse technique du groupe se fait souvent absente.
Pourtant, tout démarre plutôt bien. 'Pagan Baby' se présente en effet comme l'un des plus solides titres du groupe. John donne de la voix et la tension et l'électricité dégagées font mouche. Une fois encore le groupe mise sur une accélération centrale qui va apporter tout son relief au morceau. 'Have You Ever Seen The Rain ?', 'Hideway' et 'It's Just A Thought' sont également les trois (non ça n'est pas de trop quand c'est aussi bien fait) ultimes et sublimes ballades d'un groupe sur le déclin. La première avec sa douce ligne de basse et le chant empreint de gravité de Fogerty, et la seconde riche en Hammond et plus désenchantée encore combleront l'auditeur. Dernière réussite, le remuant 'Born To Move' et sa partie de basse qui introduit un long solo d'Hammond au groove imparable.
D'ailleurs, dans ce "Pendulum", l'orgue Hammond va prendre une place très importante dans le groupe, John étant bien décidé à mettre pour la première fois l'instrument en avant pour compenser l'absence de la guitare rythmique. On le retrouve dans les moyens 'Sailor's Lament' et 'Chameleon' qui, malgré l'intervention d'un saxophone chaleureux, ne seront pas inoubliables. L'auditeur sentira bien ici une absence de profondeur qui fait cruellement défaut à la musique de Creedence ('Hey Tonight' et 'Molina' sont deux autres preuves qu'avec plus de cœur, elles auraient pu passer le cap des multiples écoutes).
Pas mauvais en soi, ce sixième et avant dernier opus des Creedence fait finalement pâle figure face à ses illustres prédécesseurs et reflète déjà les tensions qui mèneront à la chute précipitée de la fameuse formation californienne.