Lorsque l'on parle d'un groupe suisse de hard-rock, les comparaisons avec Krokus ou Gotthard sont immédiates. Pourtant, nombre de formations œuvrent dans des styles plus ou moins éloignés des deux légendes helvètes, même si elles bénéficient d'une renommée moindre. Bien qu'existant depuis 1993, Charing Cross n'a sorti qu'un EP et deux albums depuis 2005 et ne jouit que d'une reconnaissance relativement confidentielle. "Pain & Gain", son troisième opus débarque sur nos platines pour permettre au quintet de Lucerne de passer un palier supplémentaire dans un style que nous pourrions situer entre leurs compatriotes de Shakra et les Américains d'American Dog.
La comparaison avec le gang des clébards US vient essentiellement de la proximité du chant de Peter Hochuli avec celui grave et éraillé de Michael Hannon, mais également d'une tendance à parfois préférer l'énergie brute à la mélodie des titres. 'Let It Rock', 'Fucked Up Again' ne s'embarrassent pas de fioritures, pas plus que 'White Line Fever' qui se fait plus rapide et cinglant. Au contraire, 'Hells Breaking Loose', est tellement heavy et sombre qu'il fait parfois penser aux Allemands de Die Krupps sans les éléments indus. Cette puissance se voit cependant enrichie d'éléments plus mélodiques n'étant pas sans rappeler des formations telles que Bonfire ou Shakra justement. 'Wake Up' et 'Crossroads' qui débutent et terminent l'album sont ainsi d'une belle efficacité, même si le premier nommé aurait pu se passer du hurlement un peu ridicule qui accompagne son refrain.
Les sommets en la matière sont probablement atteints avec un 'No Pain No Gain' direct et accrocheur avec son refrain imparable et son final pachydermique piétinant tout sur son passage, et sur un 'Welcome To The Show' trouvant le parfait équilibre entre puissance, mélodie et efficacité du refrain. Porté par une paire de guitaristes alignant les riffs de qualité et les soli rutilants, Charing Cross dégaine quelques rafales à même de lui apporter un minimum de respect. Dommage cependant que les Suisses n'évitent que de peu la sortie de route lorsqu'ils s'aventurent sur des territoires plus mélodiques qu'ils ne maîtrisent pas totalement. 'Queen Of The Night' n'est clairement pas adapté au chant de Peter Hochuli qui y flirte parfois avec les limites de la justesse. Quant à 'Still Alive', sa montée en puissance ne peut faire oublier quelques passages que nous qualifierons de too much.
Rien de rédhibitoire cependant pour un ensemble plus que respectable qui fera passer un bon moment aux amateurs du genre. Charing Cross ne propose rien de révolutionnaire mais il maîtrise l'essentiel des éléments d'un style qui se veut avant tout efficace, puissant et sans fioriture. L'interprétation est sans faille, en dehors d'un chant parfait par ailleurs, mais ne collant pas à certaines envolées mélodiques qui ne lui conviennent pas. Avec ce "Pain & Gain", les Helvètes peuvent donc prétendre à une reconnaissance et à un respect à la hauteur de leur talent.