"Pornographie" est le cinquième album studio du groupe bordelais Luke. Sorti début octobre, les paroles, mettant en lumière les égarements et la superficialité de notre société moderne, semblaient déjà très actuelles mais le trait donnait l’impression d’être un peu trop forcé et les textes laissaient apparaitre beaucoup trop d’énervement et de rage. Puis les attentats du 13 novembre sont arrivés et ce "Pornographie" a dès lors pris une toute nouvelle dimension.
Une nouvelle lecture s’impose et l’écriture qui pouvait paraître exagérée voire caricaturale devient finalement juste troublante. Citons par exemple 'Warrior' où Thomas Boulard répète trois fois "j'ai assassiné les utopies sous l'autel d'un nouveau monde, bienvenue dans ma chair, vous avez enfanté une bombe". Bien plus prémonitoire 'C’est la guerre' évoque des parachutistes dans le métro, le djihad et les Kalachnikovs. Le titre 'Quelque part en France' quant à lui aborde les racines de la montée des extrémistes et décrit ses acteurs. Bien évidemment d’autres thèmes chers au groupe sont également présents et récurrents. La drogue, le show business, la mondialisation et ses travers ('Je veux être un héros') où tout se monnaye en commençant par soi-même ('Des marchandises') sans oublier la perte des idéaux ('Rêver Tue').
Sur le plan musical, le disque est encore plus épuré que les précédentes productions. Les rythmes sont relativement simples et répétitifs. Les riffs de guitares sont puissants mais sans réel originalité. Quelques petites touches plus électro viennent enrichir la musique mais sans que rien ne soit vraiment inoubliable. Vous aurez souvent l’impression d’écouter du Noir Désir, notamment sur l’introduction du titre éponyme qui semble reprendre en partie un homme pressé.
Que ce soit dans l’écriture ou de par le mixage, tout semble avoir été fait pour laisser un maximum de place au chant. Constamment mis en avant celui-ci se rapproche énormément de celui de Damien Saez tant dans la diction que dans la tonalité. Moins mélodieux que les précédentes galettes et avec des thèmes également proches de ceux qu’affectionnent l’artiste, vous ne pourrez que tomber dans le panneau.
Vous l’aurez compris la force de ce disque réside dans les textes et la puissance émotionnelle qu’il dégage. Troublant et dérangeant, il est un révélateur de l’ambiance actuelle qui règne dans notre pays. Avec "Pornographie", Luke a réussi à faire un album prémonitoire quand d’autres vont nous proposer des disques opportunistes. Il plaira certainement aux amoureux des textes qui s’accommoderont alors sans peine d’une musique qui aurait mérité d’être plus pêchue. Nul doute que ce défaut sera corrigé en live.